Home EUROPE FRANCE-AFRIQUE : Face à Macron, le défi de l’indépendance de l’Afrique.

FRANCE-AFRIQUE : Face à Macron, le défi de l’indépendance de l’Afrique.

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« Si on ne se sent pas heureux dans la zone franc, on la quitte et on crée sa propre monnaie », tonnait, à Bamako, le Président français Jupitérien, devant une assemblée médusée de 5 grabataires.

Le Président Macron, pragmatique et stratège de la realpolitik, connaît ses forces du moment. Devant lui, le 2 juillet 2017, se tenaient des rois christophiens fragilisés par la situation économique et sociale, et sécuritaire de leurs pays, et par ailleurs sans plan B crédible de création d’une monnaie unique africaine. Le philanthrope de la future armée du G5 Sahel n’éprouva aucunes difficultés à reprendre la main. Le président français savait qu’il ne prenait aucun risque à proférer cette menace ! L’orgueil presque pathétique s’effaça vite devant la dépendance économique néocoloniale. Comme le soulignait Aimé Césaire, « l’indépendance conquise, ici commence la tragédie » ! Mouammar Kadhafi, le plus proche d’entre tous de la complexité du roi Christophe (à la fois tyrannie et grandeur de l’Afrique), aurait pu voler à leur secours, mais voilà cette Union africaine, financée à plus de 75% par l’extérieur, était impuissante au moment de l’intervention en Lybie en 2011.

« Ces mots volontairement humiliants, prononcés au XXIème siècle, par un descendant d’une ancienne puissance coloniale, assigne le noir dans la place terrible du négatif : contraire du blanc et de ses deux enfants par famille. »

Sept jours plus tard, à l’occasion du G20 à Hambourg, la dramaturgie césairienne connaît un nouvel acte. A une question de dimension économique, le Dieu-Tonnerre déplaçait le débat sur le terrain risqué de la culture et de la civilisation. Selon lui, « le défi de l’Afrique, il est totalement différent. Il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd’hui ». Contrairement au rétropédalage sur sa plaisanterie douteuse sur les « kwassa-kwassa », le service de communication de l’Élysée ne fit aucun commentaire. Le véritable tollé provoqué en Afrique n’y changera rien, la volonté de puissance s’est exprimée sur le devenir de l’Afrique. Dont acte !

Pour contrer l’indignation africaine, des pratiquants de la génuflexion issus de la diaspora africaine, peut-être pour nous rappeler que leur mentor faisait partie de la promotion Senghor de l’ENA, ont été jusqu’à citer une expression polémique du poète sénégalais : « L’émotion est nègre comme la raison est Hélène ». Nous y voilà ! L’émotion, la civilisation… tous ces mots s’inscrivent dans ce que Cheikh Anta Diop appelait l’aliénation culturelle des noirs. L’usage de ces mots a un sens, une vérité historique. Cela vise à affecter la conscience de l’Africain subsaharien de façon négative. Ces mots volontairement humiliants, prononcés au XXIème siècle, par un descendant d’une ancienne puissance coloniale, assigne le noir dans la place terrible du négatif : contraire du blanc et de ses deux enfants par famille, de la civilisation et de sa gestion des biens publics comme un bon père de famille…

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Par où commencer afin de rétablir des relations plus respectueuses et égalitaires entre la France et ses anciennes colonies ? Les idées fusent : moratoire sur l’aide internationale (APD) pour ne plus être dépendant de cette dernière ; substitution du vocable d’aide au développement par aide à l’investissement…

« C’est donc aux peuples africains et à leur société civile à qui il revient cette tâche exaltante d’achever les indépendances débutées par leurs aînés dans les années 60. »

Pour ma part, la première étape à franchir est d’exprimer avec conviction sa souveraineté et unité culturelle. Bien entendu, le patriotisme économique à la Shankara est aussi une condition du « développement intégral » (expression diopienne qui a ma préférence sur celle du développement durable) de l’Afrique. Mais pour que cette révolution économique, axée sur la promotion et la défense des intérêts économiques du continent africain, voit le jour, encore faut-il que les mentalités changent profondément, que les Africains soient conscients de leurs forces. Les présidents africains sont condamnés à échouer selon la théorie de la tragédie de l’indépendance d’Aimé Césaire. Ce serait presque du déterminisme politique !

C’est donc aux peuples africains et à leur société civile à qui il revient cette tâche exaltante d’achever les indépendances débutées par leurs aînés dans les années 60. Au Mali, les jeunes manifestent en masse contre la réforme constitutionnelle introduite par Ibrahim Boubacar Keïta, pourtant sollicitée avec insistance par le président français. On pourrait presque parler d’ingérence constitutionnelle de la France, tant la ficelle est un peu grosse ! L’ONG que je dirige, l’Institut de la Culture Afro-européenne à Paris, promouvra, en septembre, le projet de la clause Anta Diop. En bref, nous encourageons les États africains à introduire dans leurs formulaires de visa destinés aux migrants occidentaux, un nouvel engagement de respect de l’identité culturelle africaine. Pour les Africains, il s’agira de prendre conscience de leur propre identité culturelle. Ce n’est malheureusement pas encore le cas aujourd’hui et les propos du Président français n’y incitent pas. Pour les étrangers, c’est une invitation à mieux comprendre l’autre et à se débarrasser des préjugés, prérequis pour engager un vrai dialogue des civilisations et des cultures.

Par Emmanuel Desfourneaux : actuellement Directeur général ICAEP (Institut de la Culture Afro-européenne à Paris) et Fondateur de cette Ong partenaire officiel de l’Unesco.

       

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