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[CULTURE-LIVRE] – Boubacar Boris Diop : Dernière colonne de la littérature africaine ?

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Boubacar Boris Diop @Xalimasn

À peine ai-je fini un article sur un sénégalais – Cheikh Anta Diop – qu’on se précipite pour m’en proposer un autre. Qu’est-ce que je dis ! On ne m’en a pas proposé, on me l’a imposé, comme une Russie paranoïaque qui s’en va imposer une guerre bête à une pauvre Ukraine. Le sujet de mon article se nomme Boubacar Boris Diop ; un autre écrivain, un autre sénégalais. Et quand je dis « on », j’entends par ce pronom impersonnel, une personne qui ne m’est pas du tout inconnue ; je veux parler de ma boss. Qu’elle me saoule parfois celle-là ! Je compte sur vous pour ne rien lui souffler. Je commence à ne plus la percuter. Un soufi du nom de Diop lui aurait-elle promis une grue couronnée, cet animal totémique des Joob ? Je me pose la question tout en jetant le nom de Boris Diop dans la bouche du moteur de recherche. Hallucinant ! La quantité d’infos qu’il dégobille dans ma tronche. Elles sont toutes aussi parfumées les unes que les autres. 

Quel est cet homme au compte duquel on ne tarit pas d’éloges ? Soupçonneux, j’y flaire, comme un chien de stups, une entourloupe. Je file à la bibliothèque pour me farcir quelques-uns de ses livres : Le temps de « Tamango », 1981 ; « Murambi », le livre des ossements, 2000 ; « Les petits de la guenon », 2009. Cette dernière serait la version française de son premier roman en wolof. « Doomi Golo », 2003 ; « Frère d’âme », 2018 ; eLa porte du voyage sans retoure, 2021. J’aime me faire ma propre opinion des auteurs qui passent sous ma plume pour ensuite les asperger d’un peu de mon fiel. Et comme toujours, j’arrive toujours à me faire un avis à contrario. 

Je vous le dis tout de suite – ça ne plaira peut-être pas à beaucoup -, mais le leitmotiv qui transpire à travers de l’œuvre de Boris Diop : la décolonisation de la littérature africaine qu’il pense dégénérée par la littérature en langue africaine, m’a laissé perplexe. Car, il suscite de nombreuses interrogations. Une d’elle est la suivante : Comment peut-on écrire dans une langue, remporter des prix littéraires (Grand Prix littéraire d’Afrique noire, 2000; Prix Goncourt des lycéens, 2018 et Booker Prize International, 2021) occidentaux, et vouloir hisser l’étendard d’une hypothétique émancipation ? Combien sont-ils ces lecteurs qui arrivent à lire dans une langue africaine ?

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Boris Diop a commencé comme journaliste, écrivain, scénariste, pour finir – s’il n’a pas encore achevé sa métamorphose – traducteur en langue wolof. C’est un homme bouffi de paradoxe. Un premier. Zulma, Paris et Mémoire d’encrier, Montréal. Deux maisons d’édition occidentales de langue française créent une collection (Céytu) dédiée aux langues africaines et l’y nomme comme directeur. Je fais un tour, curiosité oblige, sur le site du Céytu. Deuxième paradoxe. Le site n’existe qu’en français et en anglais. Pas en wolof. Troisième paradoxe. L’écrivain vit à Pau. On n’aurait préféré Dakar.

Pourquoi Céytu et pas Thiaroye ou Ziguinchor ?

Boris Diop affirme que le choix du nom Céytu, village de Cheikh Anta Diop, serait un clin d’œil au savant. Au-delà du caractère un tantinet népotique de cet hommage. Je doute que ce dernier, profondément afrocentriste, aurait levé le pouce à un tel rapprochement. Je pencherai plutôt pour un doigt d’honneur.

Mais, au-delà de mes appréhensions, j’ai rencontré, par l’œuvre, l’empreinte d’un homme d’une immense culture, mais aussi celle d’un farouche révolutionnaire qui veut écraser des Idoles et des Fétiches. Boubacar Boris Diop se pose en défenseur des cultures et des identités africaines. Il s’est proposé d’écrire en wolof, une langue purement africaine débarrassée de toutes contingences stylistiques importées. On est tout de suite frappé par son regard révolutionnaire et la qualité de son écriture : une performance esthétique et un dynamisme textuel à nul autre pareil. L’écriture wolof permet en quelque sorte de mettre la littérature occidentale et la littérature africaine, sous-évaluée, sur le même diapason.

En somme, il s’agit tout aussi bien d’un désir d’inverser les rapports linguistiques entre les colonisateurs et les colonisés que d’une démonstration de la performance linguistique et littéraire du wolof.

       

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