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SÉNÉGAL – Seyda Mariama Niasse, une vie au service de l’Islam

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Seyda Mariama Niasse @Limametti

La fille d’El Hadji Ibrahima Niass, Seyda Mariama Niass a rendu l’âme à l’âge de 88 ans le samedi 26 septembre 2020 à son domicile à Mermoz, dans la capitale sénégalaise, Dakar. La native de Kossi, près de Kaolack situé au centre-ouest du pays, aura, de son vivant tout donné pour l’éducation et la formation des enfants. Sa demeure est érigée en « daara », en école coranique, où beaucoup d’enfants du pays et de la sous région ont pu apprendre et maîtriser le Coran, le Livre saint des musulmans. Ze-africanews vous plonge dans la vie d’une femme dont la vie se réduisait à l’adoration de son Créateur et à l’enseignement du Coran.

Seyda Mariama Niass a consacré toute sa vie au Coran. À l’âge de 14 ans déjà, elle donnait des cours dans son école coranique à Kaolack, avant de rejoindre quelques années plus tard, son époux à Dakar. Elle a perpétué ainsi les enseignements de son vénéré père, El Hadji Ibrahima Niass qui porte d’ailleurs le nom de son complexe scolaire qui allie enseignement religieux et enseignement général. Ce complexe, en face de l’échangeur de la Patte d’oie, est construit en 1984 sur un terrain que lui avait attribué l’ex chef de l’État, Abdou Diouf.

Sa mère Aissatou Sarr est décédée tôt, la laissant avec ses frères et sœurs, dont l’actuel khalife de Médina Baye, Cheikh Mahi Ibrahim Niass. En ce moment là, Seyda Mariama devait avoir entre 14 et 15 ans, et sa sœur cadette, Seyda Hawa Niass était juste âgée de trois ans. Ce décès prématuré explique sans doute cette affection que Baye NIASS avait pour Seyda Marieme et ses frères et sœurs. Elle a eu à accompagner son père dans ses voyages. Baye Niass disait souvent à ses filles : “Ô vous les filles, rivalisez (avec les hommes) vers le sommet, non par le corps”, un appel bien entendu par Seyda Mariama. Comme il est de coutume chez la famille de Baye Niass, elle apprit le Coran à l’école coranique de Médina Baye, auprès de Rabbani, disciple maure de son père Cheikh Ibrahim NIASS. Elle est initiée à l’apprentissage du Coran alors qu’elle dès 1937 alors qu’elle n’avait que 5 ans. Entre 1937 et 1947, elle mémorisa et récita complètement le Livre Saint. L’on rapporte que ce jour-là, le vénéré Baye Niass était tellement joyeux qu’il lui offrit un cheval, une vache et son veau ainsi que des bijoux.

Très jeune, elle fut maîtresse assistante d’enseignement coranique à Médina Baye. Après l’apprentissage du Coran, elle étudie les Sciences islamiques et la langue arabe auprès de son père Baye Niass et de son entourage. Entre 1950 et 1952, elle fut professeure d’enseignement coranique dans la Madrassa Cheikh Al Islam de Médina Baye.

En 1952, Seyda Mariama rejoint le domicile conjugal à Dakar, après son mariage en 1949 avec El Hadji Omar Kane, premier «Moukhadam» de Baye Niass à Dakar. A Dakar, elle commença à enseigner le Coran dans sa chambre. Elle venait de créer son premier Daraa Quran Al Karim, dans l’enceinte de la maison familiale, sise à l’avenue Malick SY. Son objectif n’avait rien avoir avec l’appât du gain mais elle voulait rester conforme au hadith du Prophète Mouhamed, (PSL): «Le meilleur d’entre vous est celui qui apprend le Coran et l’enseigne.» [Al-Bukhari 5027]».

En 1960, alors qu’elle avait 28 ans, Seyda Mariama effectua le premier pèlerinage à la Mecque en compagnie de son père Baye Niass. Entre 1960 et 1962, elle part étudier dans différents pays d’Afrique anglophone tels que le Ghana et le Nigeria, arabophone comme l’Egypte, la Libye et le Maroc, francophone à l’instar de la Mauritanie, du Niger et du Mali. Des voyages d’études dans le cadre de la Ligue Islamique Mondiale, (LIM), dont son père le Cheikh Al Islam était membre fondateur. De 1962 à 1967, elle commença à recevoir des élèves provenant de ces pays pour un enseignement coranique. A partir de 1967, elle effectue un deuxième pèlerinage à la Mecque. Dans les années 1967 à 1975, le complexe islamique Dar Al Quran Al Karim sis à Malick Sy est étendu avec la diversification des activités. Dès lors, elle se lance dans le secteur du transport de personnel et de personnes vers les Lieux Saints de l’Islam mais également dans le secteur commercial, la couture, la broderie et l’import-export etc. Pendant ce temps-là, elle effectue des voyages dans plusieurs pays du Moyen Orient. Au début des années 80, avec l’apparition des cassettes vidéo, elle avait l’habitude d’en acheter lors de ses voyages, pour ses élèves.

Une fois au Sénégal, elle s’en servait pour attirer ses apprenants en leur faisant suivre des feuilletons et des dessins animés en langue arabe. C’était pour éviter que les enfants ne vaquent à d’autres occupations pendant leur temps libre. En effet, à l’époque, la télévision était rare au Sénégal. Entre 1975 et 1981, les élèves de Dar Al Quran participent au grand concours mondial de récitation et mémorisation du Saint Coran.

En 1981, le président Abdou Diouf qui venait d’accéder au pouvoir, effectua sa première sortie à Taïba Niassène. Un des élèves de Seyda Mariama Niass, Aly Harazim, devenu maintenant Imam à Strasbourg en France, fut choisi pour réciter le Coran durant la cérémonie d’accueil. Ému par la belle voix et la maîtrise des paroles coraniques par le jeune garçon, le président Diouf demanda des informations sur le petit. On lui dit que c’est un enfant issu de Dar Al Quran Al Karim, de Seyda Mariama Niass. Abdou Diouf s’engagea sur place à appuyer la servante du Coran à avoir un centre de formation.

En 1984, elle effectue la pose de la première pierre de son complexe islamique. L’année suivante, elle organise une Journée de réflexions sur l’enseignement coranique. En 1987, elle voyage dans les pays du Golf : Koweït, Oman, Abu Dhabi etc. Cette étape d’Abou  Dabi fut décisive car elle a décliné l’offre juteuse de l’épouse du Roi d’alors Zayed ben Sultan Al Nahyane, Cheikha Fatima. La Reine, après avoir écouté le beau récital de Coran du très jeune Ali Harazim élève de Seyda Marieme, lui avait proposé de rester à Abou Dhabi transmettre son savoir-faire aux enfants de son pays. Seyda Mariama répondit poliment et en courageuse patriote «Houbul watani minal imaan», (aimer sa patrie fait partie de la foi).

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C’est durant cette même période, précisément en 1988, qu’elle achète sa maison de Mermoz, sur subvention du président algérien Chadli Bendjedid et avec l’appui du président Abdou Diouf.

En 1989, Seyda Mariama organise une Journée séminaire du Coran, suivie de l’inauguration de la maison de Mermoz. Dans la même année, elle participe à une médiation entre le Sénégal et l’Iran, qui aboutit à une reprise des relations diplomatiques entre les deux pays. Elle ouvre, en 1990, un centre d’enseignement coranique et arabe, (système internat), à Sacré-Cœur à Dakar, abritant plus d’une centaine d’élèves de plusieurs nationalités. C’est en 1991 qu’elle organise la troisième Journée du Coran à la Foire internationale de Dakar dans le cadre des activités préparatoires du Sommet de la Conférence islamique.

Toujours en 1991, la plus grande entreprise de travaux publics d’Arabie Saoudite, AL OWEIDA recrute 400 travailleurs sénégalais sur une période allant de 1991 à 1996, et ce, grâce aux bons offices de Seyda Mariama Niass.

Les élèves de Dar Al Quran participent au concours mondial des meilleurs récitateurs du Coran à Djeddah, (Arabie Saoudite) en 1992. Dans la même année, elle obtient le financement de la première partie du Complexe Cheikh Al Islam par le prince héritier saoudien Sultan Ben Abdoul Aziz Al Saoud. En 1993, elle construit un établissement préscolaire et élémentaire, destiné à l’enseignement classique et islamique. Le Collège Arabe Cheikh Al Islam fut ouvert dans la même année.

Dans les années 1994-1995, on assiste au démarrage de l’école franco-arabe Sultan Ben Abdoul Aziz avec un cycle préscolaire, élémentaire et autorisé par un arrêté ministériel numéro 0082/MEN/DEP du 03-01-1995. L’enseignement y est bilingue : en Français pour l’enseignement général et en arabe pour l’éducation islamique. En 1996, l’école est reconnue par décret présidentiel numéro 96834 du 08 octobre 1996.

Yaboye Seyda, comme elle était joyeusement appelée, participe en 1999, à la médiation entre le Sénégal et le Soudan, qui aboutit à la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays dans la même année. C’est également en 1999 que les élèves de Seyda Mariama participent pour la première fois au Concours international du Coran de Dubaï, qui se fera annuellement jusqu’en 2005.

La première expérience démarre avec l’Arabie Saoudite, la Mauritanie, l’Egypte et enfin le Maroc en 2007. Cette action vise à mettre en œuvre une pédagogie contribuant à ouvrir l’esprit des élèves sur le monde islamique et en faire des citoyens capables de comprendre l’autre et d’établir avec lui un partenariat. Dans la même année 2000, l’arrêté ministériel numéro 0100455/MENTFP/DEP du 27-11-2000, portant extension de l’école pour comprendre un cycle moyen secondaire, est pris. Août 2000, le prince Naef Bin Abdel Aziz, au cours d’une visite au Sénégal, accorde à Seyda Mariama Niass une subvention qui permet de construire le cycle moyen secondaire et de doubler le nombre de salles de classe après l’arrêté ministériel du 27-11-2000.

En Janvier 2007, le gouvernement de la République islamique de Mauritanie met à la disposition de Dar Al Quran une mission de coopération. Ainsi, elle est composée de quinze instituteurs, dix professeurs dans différentes disciplines et deux inspecteurs. Cela,  pour couvrir l’ensemble des besoins en enseignement arabe et en éducation islamique des cycles élémentaire et secondaire.

En juin 2007, Seyda Mariama Niass est retenue pour faire partie des 300 personnalités islamiques mondiales invitées par l’Université de Cambridge sous l’égide du gouvernement pour faire entendre la voix de l’Islam et œuvrer à l’instauration d’un dialogue islamo-judéo-chrétien dans le cadre de la conférence sur l’Islam et les musulmans dans le monde d’aujourd’hui, tenue les 04 et 05 juin à Londres.

Au mois de Septembre 2007, elle est désignée lauréate de la fête de l’Excellence qui récompense les meilleurs élèves en classe de CM2 au Sénégal et reçoit le prix de Leadership féminin en matière d’éducation des mains de la Première dame Madame Viviane WADE, présidente de la Fondation Education Santé et du ministre de l’Education nationale, Moustapha Sourang.

Le 18 avril 2013, Seyda Mariama reçoit le Diplôme d’honneur décerné par le Groupe Fallou Gallas International Magazine Multimédia, pour son courage et sa détermination dans les vastes champs de l’Islam. Enfin, le 16 décembre 2013, elle est décorée par le président Macky Sall avec l’Ordre national du Mérite.

Son fils, Monsieur Ousmane Oumar Kane, est Professeur titulaire de Langues et Civilisations du Moyen Orient à l’Université d’Harvard aux États-Unis, et premier Professeur titulaire de la Chaire Islam et Sociétés Musulmanes Contemporaines, dans cette Université réputée.

Les relations de Seyda Mariama Niass avec les autres foyers religieux du Sénégal sont excellentes. «Je me rappelle quand Serigne Mourtada Mbacké fut rappelé à Dieu, je l’ai accompagné à Touba pour présenter nos condoléances. Serigne Mame Mor Mbacké Mourtada était très content de cet acte. Après nous avoir bien accueillies et choyées, il nous a raconté que quand son père a fondé Al Azhar, Baye Niass y avait participé», confie Seyda Assy Kane.

Aujourd’hui, il est difficile d’estimer le nombre de personnes qui ont appris et mémorisé le Saint Coran auprès de Seyda Mariama Niass. Il est rare d’entrer dans un service quelconque au Sénégal, sans y trouver une personne formée à Daar Al Quran Al Karim, ou un fils d’une personne issue de cette prestigieuse école. Son parcours extrairdinaire témoigne de sa détermination au service de l’Islam durant les 88 ans passés sur terre.

       

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