CULTURE
Amadou Lamine Sall ouvre la voie aux jeunes talents – Sénégal Njaay – Senegal-njaay.com

Une discussion profonde et captivante avec Amadou Lamine Sall, éminent poète sénégalais, révélant sa décision de céder les Rencontres Poétiques Internationales de Dakar à la jeune génération. Cette entrevue passionnante dévoile les raisons, les défis et les espoirs que le poète a pour l’avenir de la poésie au Sénégal et dans le monde.
Propos recueillis par Fatou Kiné Sène, Cheffe du Service Culture et Loisirs Société Nationale-Agence de Presse Sénégalaise (SN-APS)
1- Vous semblez annoncer votre retraite en cédant les Rencontres Poétiques Internationales de Dakar aux jeunes poètes ?
Oui, mais le mot « retraite » n’est pas le bon mot. Je m’efface pour faire de la place aux jeunes poètes. Il faut et il est temps qu’ils apprennent à dépasser l’espace national pour celui international et mondial. Depuis 1998, j’ai créé et piloté ces Rencontres Internationales de poésie. J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai mis en place deux prix importants : le prix international Léopold Sédar Senghor et le prix de la MAPI pour les jeunes poètes. Dakar et le Sénégal ont été montré au monde. Aux jeunes de prouver leur capacité de mobilisation, de rigueur, de travail et d’innovation.
2- Pourquoi cette option ?
Ce n’est pas une option. C’est un désir de céder la place aux jeunes poètes pour qu’ils soient plus visibles et plus motivés.
3- Qu’est-ce qui vous pousse à avoir confiance aux jeunes poètes et en pensant qu’ils pourront perpétuer ce legs ?
Si vous ne faites pas confiance aux jeunes, à qui donc feriez-vous confiance ? Les cycles, il faut les respecter, les laisser s’installer, en espérant que le savoir-faire et le savoir être soient au rendez-vous. Les nouveaux cycles font peur car les nouveaux arrivants sont plombés par des conjonctures économiques et sociales effrayantes, sans compter le plus désastreux : le manque de culture et l’analphabétisme ! Ces deux monstres réunis par le monde, sont l’annonce d’une 3ème guerre mondiale ! Je viens d’apprendre que les États-Unis d’Amérique sont parmi les premiers pays ou l’analphabétisme est le plus élevé chez les Noirs et pire encore chez les Blancs, puisqu’ils sont les plus nombreux ! L’école publique s’est affaissée. Un élève de CM2 au Sénégal, me dit mon interlocuteur américain, est plus cultivé qu’un lycéen américain en classe de terminale. Les enseignants dans le public ont un niveau bas et alarmant insoupçonné. Comment est-ce possible demandais-je pour une première puissance mondiale ? Réponse : le système politique est féroce, dominant, richissime, manipulateur et n’a aucun intérêt à ce que le plus grand nombre des citoyens américains électeurs soient instruits. L’école privée coûte 100 fois la peau des fesses et inaccessible aux pauvres ! Pour revenir à la poésie, à la littérature, à l’écriture, à la dignité humaine tout simplement, il faut du savoir, le respecter et l’acquérir. Nos hommes politiques en Afrique, hélas, en sont les plus démunis. Le pouvoir, l’argent, le paraitre, les tirent vers le bas. Aidons notre jeunesse à être cultivée, à respecter le savoir.
4- Vous avez organisé pendant dix éditions cette biennale de la poésie internationale à Dakar donc cela fait vingt ans d’existence, quel bilan en retenez-vous ?
Un solide et merveilleux bilan : une nouvelle génération de poètes est née et sans âge. Il faut en citer, cela fait du bien : Fally Diaïté Kaba, Moustapha Dieng, Saliou Ndiaye, Arfang Sarr Crao, Abdoulaye Fodé Ndione, Amadou Lamine Ba, Pape Samba Kane si habité, Meïssa Maty Ndiaye, Gorgodio Sow. J’en oublie et des meilleurs. De très grands poètes internationaux ont visité le Sénégal, rencontré et échangé avec son président de la République. Ils sont repartis chez eux fous de notre pays et de son peuple. Des recueils de poésie en nombre ont été édités, publiés, promus. De jeunes poètes ont voyagé loin pour aller découvrir d’autres cultures par la poésie. Des co-éditions réussies ont été réalisées qui ont porté loin la poésie sénégalaise. Des poètes sénégalais ont été distingués à l’étranger et traduits dans des langues étrangères. Oui, le bilan est total. Le Sénégal moderne fondé par un poète a montré au monde que la poésie restait un poste budgétaire important dans la marche de l’humanité, même si elle n’était pas la voix dominante.
5- Qu’est-ce qui a fait le plus votre fierté pour cette organisation que vous avez portée ? Et votre regret ?
Avoir démontré au monde que le Sénégal restait un pays de poésie, d’écriture, de culture. Regret ? Aucun ! Rien que de la fierté dans l’humilité !
6- Pourquoi invitez-vous à une réforme du « Grand Prix du Chef de l’État pour les Arts et les Lettres » après plus de trente ans d’existence?
Vous ne seriez pas tranquille si vous ne m’aviez pas posé cette question ! Avec d’autres confrères, vous avez tellement insisté sur cette question que j’ai abordée dans mon discours d’ouverture au musée Senghor le 13 novembre dernier lors de la 10e édition des Rencontres Poétiques Internationales de Dakar. Je n’ai fait que rappeler l’historique de ce Prix que j’ai initié en 1990 quand j’étais arrivé dans le cabinet du ministre de la Culture du Président Abdou Diouf, notre regretté Moustapha KA. Un esthète ! En même temps que ce Prix, j’avais proposé la création d’une Biennale internationale des arts et des lettres, Biennale que j’ai dirigée durant deux éditions avant de quitter le secrétariat général, remplacé par le très talentueux Rémy Sagna qui hérita d’une Biennale de l’art africain contemporain que l’UE nous imposa, à l’époque. Revenons au Grand Prix du président de la République pour les arts et les lettres. J’avais proposé l’appellation suivante : « Grand Prix de la République pour les arts et les lettres » ! Nous attendions la réponse du Président Diouf. La réponse vint de Monsieur le Secrétaire Général de la présidence de la République de l’époque : Jean Collin. Sa correspondance indiquait : « Grand Prix du président de la République » ! Cette option fut notée et acceptée ! J’ai demandé, pour répondre, à votre question, de retourner à la formule « Grand Prix de la République » ! La République nous gouverne tous et c’est elle seule qui restera après nous ! Je suis un fou de la République ! Elle est sacrée et rien ne doit être au-dessus d’elle ! Mais le plus important que j’ai encore dit et proposé, c’est de doter ce Grand Prix d’au moins 50 millions de FCFA, si ce n’est plus. J’ajoutai que le jury de ce Grand Prix devait également être intraitable, pour ne pas en dire plus ! Un ami a proposé la création du « Grand Prix du plus mauvais livre de l’année » ! Génial ! « Il risque d’être mieux acheté et mieux lu que l’autre », ajoute-t-il, sans rire !
7- Qu’est-ce qui fait la différence avec ce que vous proposez « Grand prix de la République… » ?
J’y ai déjà répondu !
8- Vous demandez aussi la mise en place d’un jury soigneusement élu et d’une hausse de la récompense ? Une invite lancée également aux capitaines d’industrie pour la création de Grands Prix ?
J’ai déjà, en partie, répondu à cette question. ! En revanche, pour ce qui ressort des capitaines d’industrie dont j’ai parlé, il s’agit de les pousser avec leur colossale fortune pour certains, à rester dans l’histoire en créant de Grands Prix internationaux fortement dotés, comme le Nobel et récompensant nombre de discipline. C’est le cas du Prix Goncourt. L’État doit être relayé. A la vérité, un État n’est pas fait pour créer des Prix littéraires ou scientifiques. Des titres et des décorations, oui ! On dit que tout ce que l’État protège, meurt. Ce n’est pas toujours vrai, mais la création de Prix devrait lui être épargné ! J’ai évoqué la très forte vision culturelle et artistique du feu Colonel Kadhafi qui tenait à mettre en place un Grand Prix africain équivalent au Nobel, 10 fois mieux doté et qui récompenserait à la fois les fils de l’Afrique mais aussi tous ceux qui, par le monde, se distinguent par leur génie dans telle ou telle discipline. Je m’étais battu pour ce prix rêvé par Kadhafi et dont il m’avait personnellement parlé à Acra, au Ghana, lors d’un Sommet de l’Union Africaine. J’avais souhaité voir ce Prix mis en place, quand mon cher Président Macky Sall occupait le poste de Président de l’Union Africaine. Toujours marquer l’histoire, élever la pensée, distinguer le savoir.
9- Comment appréciez-vous le fait que le chef de l’État par décret choisit les lauréats du Grand Prix du chef de l’État ?
Il n’y a que vous Fatou Kiné, pour poser une telle question ! Elle aurait pu ne pas être embarrassante, mais elle l’est ! Par contre, ce qu’il faut d’abord savoir et saluer, c’est la générosité du professeur Aliou Sow, ministre en charge de la Culture et du Patrimoine, de vouloir distinguer deux très grandes figures de notre littérature : Cheikh Hamidou Kane et Aminata Sow Fall. Qu’Allah les garde encore longtemps, longtemps parmi nous ! C’est cette forte et si noble symbolique de Monsieur le ministre, qu’il faut retenir et mettre en avant. Mais, on aurait pu agir autrement en sortant de ce décret et de ce Grand Prix, en créant autre chose encore plus puissant, plus original, pour mettre à l’honneur ces deux écrivains. Mais ce qui a été fait est grand, beau et généreux.
10- Le Mémorial de Gorée revient au-devant de la scène, après quelques mois d’incertitude. Vous-même, vous avez eu à faire une sortie sur un supposé abandon du projet. Aujourd’hui la confiance semble-t-elle renaitre après cette audience avec le Chef de l’État ?
Depuis trente ans, je veille, je me bats contre des puissances malveillantes et des pouvoirs qui me dépassent, pour faire bâtir ce projet international, laboratoire des droits de l’homme, pour que plus jamais l’humanité n’assiste à un tel génocide ! Macky Sall, sublime, affectueux, généreux, informé et décisif, m’a tenu la main et dans cette immense obscurité du pouvoir et des jeux d’intérêts inimaginables, sa lampe et sa voix rassurante, ne m’ont jamais quitté. Il devait lui-même inaugurer le Mémorial de Gorée sur la corniche ouest de Dakar avant de quitter le pouvoir. Tout, tout avait été mis en place. Le Diable qui rode est venu subitement s’installer dans un fauteuil qui n’aurait pas dû être là. Je n’ai jamais été autant habité par la douleur, la tristesse, la rage. Échappant au Diable, Macky Sall est redevenu Macky Sall : prévenant, attentif, éveillé, sensible, bon, fidèle à lui-même et à ses principes. Sa noblesse a triomphé ! Je l’ai rencontré et ensemble, avec Dieu, il a éclairé le chemin et libéré toutes ses promesses de réaliser ce projet culturel qui, dans l’histoire, restera son joyau et son patrimoine de la mémoire face aux générations futures. Nous reparlerons mieux de cet homme d’État quand il aura quitté le pouvoir. Il existe un temps qui ne peut être chanté que quand il y a le silence. Le temps des poètes et des écrivains n’est pas le temps des politiques. Puisse le bien et le beau l’emporter sur le mal, la haine, la vengeance ! Ceux qui ne veulent pas se coucher avec le soleil, veilleront mais sans yeux, sans oreille et sans mémoire. Les Sénégalais dorment toujours avec Dieu !
11- A l’Assemblée nationale, le ministre Aliou Sow a parlé d’une délocalisation du projet de son site initial. Vous, vous nous avez parlé de son maintien sur le site de la Corniche ouest ! Qu’est-ce qui a amené ce changement entre jeudi (Assemblée nationale) et vendredi (audience avec le président de la République) ?
Encore du Fatou Kiné ! Indéboulonnable dans ses approches curieuses ! Vous avez l’oreille fine et vous aimez les détails cachés. Vous ne serez pas servie, puisque rien de fondamental ne s’est passé, en vérité. Vous êtes loin d’imaginer combien, depuis Abdoulaye Wade, le site du Mémorial sur la corniche fait saliver des puissances d’argent et des corsaires de haute mer. J’ai failli laisser ma vie dans le combat de préservation de ce site. Notre chance, c’est Macky Sall. Le Président, très vite, a tout compris. Avec l’autorité qu’on lui connait et sa sérénité désarçonnant, il a tout déconstruit. Sa fidélité et son amour pour le projet du Mémorial ont pris le pas sur toutes les avides convoitises. Le Mémorial de Gorée ne saurait rivaliser avec un projet, serait-il générateur de milliards de dollars pour le Trésor public ! Le Président Sall, très vite, a tranché. La culture a triomphé ! La générosité a triomphé. Notre gratitude est infinie. Tout le reste est derrière nous ! Avançons avec le Président !
12- Quels sont les bienfaits de ce Mémorial pour le Sénégal, pour l’Afrique et le monde ?
Ce sont justement ces bienfaits sur lesquels vous m’interrogez, qui ont sauvé ce projet entre les mains d’un décideur politique inspiré, généreux, cultivé et pointilleux sur les enjeux de mémoire. Le Président Macky Sall m’a invité à l’accompagner en Guadeloupe lors de l’inauguration du Mémorial Act, érigé dans les Caraïbes. L’Amérique aussi a bâti son Mémorial à New-York. Restait l’Afrique. Le Président Sall s’est engagé devant son continent, devant le monde à la tribune des Nations Unies, face aux diasporas noires de toutes les couleurs, à fermer le triangle en réalisant au Sénégal, à Dakar, face à l’océan, le Mémorial de Gorée. Il lancera le chantier en janvier 2024. Je demande au futur président de la République du Sénégal de l’inviter à venir, à ses côtés, inaugurer ce monument de la mémoire dont il a été le chef cuisinier ! Le Mémorial de Gorée sera un joyau pour la ville de Dakar. Il sera notre Tour Eiffel de la mémoire, du deuil, du recueillement, du pardon ! Dans sa phase de réalisation comme à son achèvement, il sera un grenier de créations d’emplois. Il sera doté d’un embarcadère avec deux chaloupes. L’une desservant l’île de Gorée depuis la corniche ouest, l’autre, comme l’a voulu le Président Sall lui-même, desservira l’ile des Madeleines qui fait face au Mémorial. Une étude nous révèle que plus de 800 mille personnes visiteront le Mémorial quand il sera inauguré. Un chiffre d’affaires annuel de trois milliards sera généré par les activités du Mémorial : visites, chaloupes, restaurations, parkings, commerce des boutiques, autres dérivés divers et multiformes. Le Mémorial de Gorée est un projet culturel et économique d’envergure internationale jamais réalisée en Afrique. Il sera le phare du Sénégal.
13- Vous critiquez ces prédateurs du site du projet que vous jugez de « manque de culture. L’irrespect au savoir. La rage du seul profit », pourquoi un ton si sévère ?
Il arrive un moment où il faut arrêter la langue de bois et les métaphores poétiques. Trente ans face à des hyènes et des serpents sans pitié, vous transforment un homme. Encore que vous me citiez dans des termes que j’ai voulus dépouillés mais fermes. J’ai appris, même dans la colère et le dépit, à être respectueux. Le manque de culture, l’irrespect au savoir, le combat reptilien d’annihiler et de détruire le projet du Mémorial de Gorée avec tout ce qu’il porte de puissant, de deuil, de recueillement, de respect de la mémoire des millions d’africains morts ou déportés aux Amériques, sont inacceptables et relèvent d’esprits malades et faisandés. Comment un être normalement constitué peut-il combattre un tel projet qui touche ce que l’homme noir a subi de plus tragique et de plus humiliant ? Le Mémorial de Gorée ne relève pas et ne peut pas relever d’un problème d’argent. Il transcende l’argent et le dépasse. Il fait partie de notre âme, de notre passé, de notre avenir dans le pardon et non l’oubli.
14- Les travaux seront lancés en janvier à quelques mois du départ du président Macky Sall Êtes-vous confiant que son successeur va continuer le chantier ?
Ce n’est pas une bonne question. Elle n’a même pas lieu d’être. Ce chantier n’a pas à être continué. Il est. Il continue. Il est son propre métronome. Tous les candidats actuels à l’élection présidentielle de février 2024 militent pour ce projet de mémoire soutenu par la communauté internationale et toutes les diasporas africaines. Comment, par ailleurs, un Chef d’État normalement constitué pourrait-il refuser ou oser renier un tel projet de mémoire voulu, salué et attendu par toutes les femmes, tous les hommes de paix et de concorde ? La culture est notre avenir. La paix notre repos.
15- C’est un projet de 100 milliards. Qui finance ?
Commencez par vérifier vos sources et vos chiffres ! Pourquoi vous raffolez des chiffres ? Toujours l’argent, combien a-t-on dépensé ? Il est des projets culturels, des projets sociaux, des projets économiques dont les fonds qui les sortent de terre sont appelés des « fonds liés » ! Ce qui veut dire que l’argent alloué pour acheter des tomates ne peut pas être utilisé pour acheter de la salade ! Où ce sont les tomates, ou ce n’est rien d’autre. Vous demandez « qui finance ? » Cela ne devrait pas être une question ! Dieu, Macky Sall, les prières des Sénégalais dans leur bonté, les vœux de toutes les diasporas, les fonds internationaux, voilà des pistes pour aller chercher et trouver « qui finance. » Si vous saviez le nombre d’États qui ont proposé de prendre part au financement du projet du Mémorial ! Le Président Sall, dans sa grâce, son pragmatisme, sa générosité et son noble orgueil, a toujours dit : « C’est à nous de bâtir le Mémorial et nous le bâtirons ».
16- Une critique avait été émise par le ministre Abdou Latif Coulibaly dans un de ses ouvrages attirant l’attention sur une ‘’ressemblance confondante’’ des plans architecturaux du futur monument dénommé ‘’Mémorial de Gorée’’ avec ‘’La Tour des Arabes’’, un des principaux éléments de l’attrait touristique de Dubaï, qu’en pensez-vous ?
Je n’en pense rien. Je n’ai pas lu cet « ouvrage » dont vous parlez. Envoyez-moi le titre et la page dès lors que vous avez lu cet ouvrage et la critique que vous évoquez. Laissons Monsieur le ministre Abdou Latif Coulibaly tranquille et avançons. Ce Mémorial nous appartient à tous. Ils nous fédèrent. C’est d’ailleurs ici, pour moi, l’occasion de dire ici merci à tous les ministres de la Culture du Président Macky Sall qui ont, chacun à sa manière et selon son cœur, porté le projet du Mémorial de Gorée. Mes pensées et mes prières infinies vont particulièrement à feu le ministre Abdoul Aziz Mbaye. Un solide et admirable intellectuel, un frère et un ami attachant qui me manque et qui me manque beaucoup, beaucoup, comme Madame Assa Keïta, mon assistante chérie et si bien-aimée qui était la mémoire chantante du Mémorial de Gorée. Dieu, accueille-les donc dans tes jardins les plus parfumés !
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TCHAD – Entretien avec Fatimé Raymonne Habré : la plume comme riposte !

Veuve de l’ancien président tchadien Hissein Habré, militante engagée pour la cause africaine et celle des femmes, Fatimé Raymonne Habré s’est imposée dans le paysage littéraire et intellectuel par sa plume combattante. Juriste de formation, éditrice, libraire et fondatrice du Carré Culturel, elle partage avec nous son parcours, ses convictions, et sa vision de la littérature africaine contemporaine. Nous l’avons rencontré au Salon du livre d’Abdjan.
Trevor : Qui est Fatimé Raymonne Habré ? Si vous deviez vous présenter en quelques mots à nos lecteurs, que diriez-vous ?
Fatimé Raymonne Habré : Très contente de faire votre connaissance et d’échanger avec vous. Je suis la veuve de l’ancien président tchadien Hissein Habré. Je suis une militante de la cause de l’Afrique et une militante de la cause des femmes.
Trevor : Qu’est-ce qui vous a conduite vers l’écriture ? Un moment déclencheur ?
Fatimé Raymonne Habré : Oui, il y a bien un élément déclencheur. Ce fut ce que l’on a appelé l’affaire Hissein Habré, qui a duré pendant plus de 20 ans avec un harcèlement judiciaire et médiatique que l’on n’a vu nulle part ailleurs. Nous avons beaucoup souffert de ce lynchage médiatique, et j’ai pris ma plume pour une action de riposte médiatique à travers des articles, des lettres ouvertes et aussi des émissions de télévision.
Trevor : Parlez-nous de vos livres. Quels thèmes vous tiennent particulièrement à cœur ?
Fatimé Raymonne Habré : Mon premier livre est intitulé Afrique Debout et ce sont des chroniques politiques qui traitent de nombreux thèmes : la lutte contre le terrorisme, Winnie Mandela, Kadhafi, le génocide des Tutsi, le conflit autour du territoire d’Aouzou, les relations entre les journalistes et les hommes politiques, etc. C’est ma vision et ma participation à l’éveil des consciences, particulièrement de notre jeunesse qui ignore beaucoup de choses.
Trevor : Selon vous, quel est le rôle de la littérature dans la société africaine contemporaine ?
Fatimé Raymonne Habré : La littérature joue un rôle essentiel. Elle permet de préserver notre histoire et de transmettre aux générations futures les traditions ancestrales, et donc de garder notre identité culturelle. Elle permet aux Africains de témoigner à travers des récits de leur vécu et de leurs expériences que d’autres ignoreront volontairement. La littérature met en lumière nos réalités sociales, politiques, économiques et culturelles. Elle développe l’esprit critique. Elle est aussi une plateforme pour exprimer des émotions, des expériences — ce fut mon cas. L’écriture a des vertus thérapeutiques, d’apaisement, aidant les personnes à exprimer des points de vue…

Fatimé Raymonne Habré
Trevor : Comment votre parcours personnel et professionnel nourrit-il votre écriture ?
Fatimé Raymonne Habré : Mon parcours personnel est une somme d’expériences : la guerre, les conflits politiques qui ont dégénéré, le pouvoir, l’exil, et les injustices que nous avons subies à travers les poursuites judiciaires contre le Président Habré. Quant au côté professionnel, je suis juriste de formation et j’ai coordonné le pôle défense et communication avec les avocats pendant des années. Actuellement, je suis éditrice, libraire et galeriste. Incontestablement, mes réflexions sont irriguées par mon vécu et les épreuves endurées, avec l’engagement de décrypter les dessous des cartes, si l’on peut dire, et de répondre aux pourfendeurs de l’Afrique, sans oublier le rôle des élites africaines dans la situation de notre continent.
Trevor : Vous avez fondé un espace culturel : le Carré Culturel. Quelle est sa vocation et comment le vivez-vous au quotidien ?
Fatimé Raymonne Habré : Le Carré Culturel est un espace composé d’une librairie indépendante, d’une maison d’édition qui a démontré que l’on pouvait proposer un contrat d’édition équitable, permettant aux auteurs de toucher 40 voire 50 % de droits d’auteur sur leur ouvrage. Nous avons à côté une galerie d’art où nous vendons des œuvres mais aussi montons des expositions. Nous produisons des émissions que je vous invite à découvrir sur notre chaîne YouTube Le Carré Culturel : une émission L’opinion des femmes, qui donne la parole aux femmes, et une autre, Les Carnets culturels.
Trevor : Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans la création littéraire en Afrique aujourd’hui ?
Fatimé Raymonne Habré : Leur place est de plus en plus influente. Si elles ont été longtemps marginalisées et sous-représentées, les écrivaines africaines sont de plus en plus dynamiques. Elles explorent de nombreux sujets, des expériences personnelles, et parlent de la question du genre, des violences subies, de la tradition. Leurs écrits contribuent à donner une vision plus authentique des réalités féminines africaines. En tant qu’éditrice, je reçois de plus en plus de livres écrits par des autrices. C’est encourageant.
Trevor : En tant que juriste, est-ce que le droit et la justice influencent votre façon d’écrire ou de concevoir une œuvre ?
Fatimé Raymonne Habré : Je pense que ce qui est déterminant, c’est l’engagement de ma plume. C’est une plume combattante. Quand vous êtes juriste et que vous êtes passionnée comme moi par le droit, la rigueur de votre formation peut influencer vos écrits dans le sens où vous sentez la nécessité d’argumenter, de renforcer vos propos. La justice, c’est très compliqué dans la mesure où la théorie de la séparation des pouvoirs n’est pas une réalité. L’exécutif marque toujours son influence quand il le souhaite pour obtenir les décisions qu’il veut.
Trevor : Quels auteurs ou autrices africain(e)s admirez-vous ou suivez-vous avec attention ?
Fatimé Raymonne Habré : En dehors des grands classiques de la littérature africaine que nous avons tous lus, je lis un peu de tout. Cela peut aller des livres de Chimamanda Ngozi Adichie, Becoming de Michelle Obama, à des ouvrages sur la politique, les relations internationales, la communication politique, ou encore les livres de Théophile Obenga. J’ai profité du SILA pour acquérir des livres d’auteurs et d’autrices de la Côte d’Ivoire.
Trevor : Quels sont vos projets actuels ou à venir ? Avez-vous un nouveau livre en préparation ?
Fatimé Raymonne Habré : Au niveau du Carré Culturel, en termes d’édition, je veux lancer une collection pour enfants. Nous préparons une exposition sur les Peuls nomades. Personnellement, j’ai en cours de finition le tome 2 d’Afrique Debout, qui contient aussi des chroniques politiques, et la suite de mon roman Symbil et le décret royal.
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TCHAD – Kadeux, phénomène viral ou la dynamique de partage

Nous avons presque tous découvert Kadeux sur TikTok en 2023 avec “Ayé han”. On était tombé sous le charme de ce jeune rappeur tchadien. Pourtant, il n’a que vingt-et-un ans. Malgré cet âge – âge souvent associé à l’insouciance juvénile –, ses mots, empreints d’humilité, tapent toujours dans la mille. En effet, il y résonne un flow tranchant, surtout lorsqu’il se met à décrire la difficile condition de vie des laissés-pour-compte. Mais pas seulement : il met aussi dans sa musique une sincérité et une modestie qui vont droit au cœur. Depuis son carton sur TikTok, l’artiste ne cesse de prendre de l’épaisseur. Kadeux, phénomène viral ou la dynamique du partage
Kadeux, un phénomène viral
Dans l’univers musical tchadien, un nom se détache aujourd’hui comme une poussière luminescente, avec éclat : Kadeux. Ceux qui pensaient que sa notoriété, propulsée par internet et les réseaux sociaux, n’allait pas faire long feu, se sont trompés. L’engouement ne s’est pas estompé et, sa fanbase ne fait que s’élargir. Né en 2003, à Koundoul au Tchad, Kadeux, de son vrai nom Kamal Borgoto, a réussi à hisser le rap tchadien sur la scène musicale internationale. Grâce à un savant mélange de sonorités locales – utilisation des dialectes tchadiens – et de musique contemporaine, il a créé un style unique et authentique qui résonne bien au-delà des frontières de son pays natal. Bien que sa carrière ait véritablement débuté 2023, Kadeux, rappelons-le, a pris le temps d’apprendre des groupes comme “Sexion d’Assaut” et plusieurs artistes internationaux. Son premier single “Ayé han” fait un carton, avec plus de 100 000 vues sur YouTube et 27 millions de vues sur TikTok. Un record pour un artiste tchadien. Il enchaîne avec “Biney”, une chanson engagée contre l’argent facile et les dérives de la société. Cette chanson franchit rapidement la barre des 200 000 vues sur YouTube. Puis vient “SAME SAME”, un hymne à la résilience et à l’espoir, qui reflète l’état d’esprit combatif et optimiste de la jeunesse tchadienne.
Kadeux, un artiste ancré dans l’authenticité
Kadeux se distingue par son utilisation des dialectes tchadiens qu’il manie avec une grande aisance. Aussi, cela donne à ses textes une puissance émotionnelle et une authenticité rare qui font de lui un artiste original. Son style musical engagé, teinté de sarcasme, est une plongée en apnée dès les premières notes, dans le marécage des maux de la société. Ses analyses sociales d’une finesse inouïe captent immédiatement l’attention du public. Lors des grands événements musicaux, aussi bien au Tchad que dans la sous-région, Kadeux fait partie des artistes à inviter. En effet, il sait mettre le feu à la scène, échauffer le public. Au nombre de ses performances marquantes, ces deux dernières années, nous pouvons évoquer la “fête de la musique à N’Djamena” (juin 2023), le “festival Afrobeat International au Burkina Faso”, une prestation en Côte d’Ivoire, au “FEMUCO”, une série de concerts aux côtés du rappeur ivoirien Didi B à N’Djamena et une tournée au Cameroun (Yaoundé, Douala, Ngaoundéré, Dschang…)
Fierté tchadienne
Malgré son jeune âge et sa carrière encore naissante, Kadeux, qui accumule déjà des multiples récompenses tant au Tchad qu’à l’international, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. À ses ambitions musicales, il a greffé deux rêves : lancer sa propre marque de vêtements et créer un studio de production. En 2024, au micro de RFI, l’artiste confie : “Je veux que ma musique soit un pont entre les générations, une voix pour ceux qui n’en ont pas, et une source d’inspiration pour la jeunesse tchadienne”. Avec son charisme, son authenticité et son talent brut, il y a des chances que le souhait de Kadeux se réalise : porter la culture tchadienne sur la scène internationale et faire entendre la voix des laissés-pour-compte.

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MALI – Nana Menthe en concert au Pan Pipper, un show intense sur des notes mandingues

Le 15 février 2025, lors de la ‘‘Nuit du Mandé’’, Nana Menthe Kouyaté donnait un show d’une puissance hors norme au Pan Pipper à Paris. Lors de ce concert organisé par Afrik’Consult et Doums Production, c’était l’occasion pour cette diva de la musique mandingue de présenter au public son nouvel album ‘‘Karan’’ (2024).
Un show intense
C’est sous les regards d’armée de projecteurs lumino-fluorescent que Nana, en robe de soirée sirène dentelle rouge, fait son entrée sur la scène. Le bassiste est en hauteur par rapport aux musiciens qui tiennent les guitares et le tam-tams et le n’goni. Une danse sapée comme une chanteuse disco des années 80 attend que Nana donne le la. Le décor est sublime. Reste plus que le spectacle. Sol-ré-do ! Nana, celle qu’on surnomme ‘‘l’oiseau rare’’. Tour à tour, Nana visite son répertoire, depuis N’Toutadon jusqu’à Karan son dernier album. Elle avait à ses côtés des artistes de renom comme Adja Soumano, Pedro Kouyaté, Liberté Kanté, Amadou Sodia et bien d’autres artistes invités.
Nana, la voix du mandingue
Fille du virtuose de la kora Batrou Sékou Kouyaté, Nana Kouyaté, comme le suggère son nom, est une griotte. Née à Abidjan en 1988, elle grandit à Bamako. Bien que griotte, son père voyait d’un mauvais œil que sa fille fasse de la musique. Cependant, avec l’aide de sa mère, elle brave cet interdit et s’illustre, déjà à son jeune âge avec sa voix de contralto léger, un tantinet porté vers le mezzo-soprano dramatique comme Oumou Sangaré ou Coumba Gawlo ou même Fanta Damba, Nana rivalise, par la voix, avec les divas mandingue. En 2005, elle embarque pour Paris et s’y installe. Par la suite, elle va collaborer avec des légendes comme Salif Keita, Papa Wemba, Oumou Sangaré et Amadou et Mariam. Désormais, elle fait entendre sa voix par le biais de la musique. En 2024, elle a sorti un nouvel album intitulé ‘‘Karan’’.
Karan, ou les bénéfices de l’éducation
Karan, signifiant « éducation » en bambara, est un album de 11 titres qui résonne comme un manifeste pour la transmission des valeurs et la perpétuité des traditions. Nana Menthe y aborde des thèmes universels tels que l’amour, la paix, l’unité africaine et la lutte contre les violences faites aux femmes, dans une fusion subtile entre sonorités traditionnelles et influences contemporaines.
Karan, quelques morceaux choisis
Avec ces onze titres, évocateurs et engagés, Nana explore les réalités profondes de la société où chaque morceau est une fresque sonore. Tandis qu’ “Acapelle” lève le voile sur les tumultes du mariage, en dévoilant les attentes et les désillusions qui l’accompagnent. “Denmbalou”, en collaboration avec Alune Wade, Guimba Kouyaté et Paco Sery, raconte, pat contre, avec émotion les défis de la maternité et les angoisses d’une mère face à l’éducation de son enfant. Ensuite, l’hommage vibrant à Cheikh Ahmadou Bamba célèbre l’héritage spirituel d’un grand soufi. Et puis il y a le titre phare : “Karan”, titre phare de l’album, exalte les vertus de l’éducation comme pilier de l’émancipation personnelle et du développement national. “Rien n’est au-dessus de l’éducation”, dit l’artiste, soulignant son rôle central, même dans les parcours migratoires où elle devient un passeport pour l’intégration. En attendant, le public se prépare avec ferveur à la prochaine performance de Nana, prévue à Orléans le 25 mars 2025.
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