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[CULTURE-LIVRE] – Lu pour vous, « Conversations avec le diable », recueil de poèmes de Mouftaou Badarou

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Mouftaou Badarou

« Dieu, le diable et les humains »

Avec son deuxième recueil de poèmes, Mouftaou Badarou a pris le pari de remuer notre conscience, nous incitant à réfléchir sur les voies insondables du Seigneur et la toute-puissance du diable.

De la poésie classique pour nous triturer les méninges. Structuré en quatre sections, « Diableries », « Humanité », « Mélancolies », « Joyeusetés », Conversations avec le diable pose bien entendu la problématique de la toute-puissance du prince des ténèbres et de son emprise sur les humains, dans un défi insensé lancé à Dieu. L’auteur stigmatise le fait que de nombreux humains succombent aux artifices du diable, alors que tout n’est qu’illusion chez celui-ci. Comme le traduit éloquemment le poème « Dieu est Tout-Puissant mais le diable est si malin » à la page 33 :

« Dieu est Omnipotent mais l’Autre est si malin/Que de fieffés croyants cèdent à son emprise/Piteux naïfs, tout n’est chez le diable qu’illusion/Il pousse, vous ses marionnettes funambules/Au-dessus d’un précipice de perdition/Vous lâchant, hilare, en pleine lévitation ! »

Ainsi, le premier mérite de cet ouvrage, c’est de nous proposer des outils de réflexion sur les voies insondables du Seigneur. Dieu ajuste aux humains les mécanismes de leur droiture que le diable s’ingénie inlassablement à défaire. Et les artifices du diable n’ont visiblement aucune prise sur l’auteur. Nulle part dans son ouvrage, il n’est question de reniement de sa Foi ou de Dieu. Quoi qu’en pense un athée, Dieu est Dieu, le Tout miséricordieux qui protège tout croyant  à la foi fortifiée. Comme l’auteur le dit si bien dans le poème « Tentation » à la page 44 :

« Une nuit où je priai Dieu/À genoux, mains tendues aux cieux/Le diable de son ton mielleux/Envoûtant, irrévérencieux/Débita tout un florilège de blasphèmes/Mais las de son abject manège/De mes pieds joints dans son piège/Je lui dis d’un ton ferme : «Abrège/ Tu m’auras pas, Dieu me protège ! »

L’intérêt de cet ouvrage ne vient pas seulement de la section « Diableries ». Les trois autres chapitres, à savoir « Humanité », Mélancolies » et « Joyeusetés » explorent fort bien la complexité de l’âme humaine : vol, adultère, ingratitude, cupidité, vanité, etc. Si ces poèmes, stigmatisant la noirceur de l’âme, sont plus aiguisés que des poignards, la sublimation et l’exaltation de l’amour ne sont jamais loin. Comme dans le poème « À ma muse » à la page 9, une pièce d’une fluidité et d’une charge poétique remarquables :

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« Ô ma muse, vous m’avez perforé le c?ur/Elle est si évasée et profonde l’entaille/Qu’elle héberge une pernicieuse tumeur. » 

« Conversation avec le diable »

L’auteur réussit même, par des alliances de mots et de rimes, à magnifier la nature créée par Dieu, comme dans l’évocation d’un paysage féerique à la page 130, dans le poème « Le vent faisait l’amour avec le sable » :

« Les grains de sable avaient des soupirs d’aise/Sous les caresses brûlantes du vent/Et cet incandescent accouplement/Et ces vagues qui léchaient la falaise/Semblaient complimenter à l’unisson/Pour sa magnificence, la nature. »

Bien que tous ces poèmes soient originaux, beaucoup reflètent la fluidité et la musicalité de Paul Verlaine dont l’auteur s’est visiblement inspiré, Et  à qui il a, d’ailleurs, dédié le poème « Quel est ce monde étrange » à la page 126 :

 « J’ai tant cherché à faire don/De mon coeur à une Madone/Elle ne l’a pas trouvé bon/J’ai souvent porté assistance/À autrui, sans discernement/Mais aucune reconnaissance. »

Le poète québécois Émile Nelligan, le chantre de la Négritude Aimé Césaire et l’inégalable Charles Baudelaire ont également une part dans la formation poétique de Mouftaou Badarou. L’auteur tient sans doute de Baudelaire le goût de la forme impeccable et la nécessité du travail technique. Certains poèmes dénotent ainsi l’effort constant de Mouftaou Badarou pour se rapprocher de la maîtrise poétique de ses inspirateurs. Comme dans le poème « Mes deux livres » à la page 73 :

« J’ai à mon bureau deux livres précieux/L’un de Verlaine et l’autre de Césaire/Deux raretés que je traîne en tout lieu/Et qui me donnent un air d’antiquaire. »

Gageons que Conversations avec le diable fera date, tant le titre est accrocheur et les vers remarquablement ciselés, jonglant entre le réel vécu par l’auteur et son imaginaire poétisé ; tant cet ouvrage restitue des moments de vie (amoureuse) de l’auteur, et ses cruels croquis de la société qui l’entoure. Mouftaou Badarou laisse ici affleurer sa fragilité émotionnelle tout en pourfendant la noirceur de l’âme humaine. L’auteur se pose hélas ! trop souvent en victime, reconnaissant à peine ses propres turpitudes. 

Conversations avec le diable, éd. Licht, décembre 2021, 154 pages.

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