Home NUMÉRIQUE TECHNOLOGIE : Les applications de consentement sexuel, une tendance dangereuse

TECHNOLOGIE : Les applications de consentement sexuel, une tendance dangereuse

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Les applis de consentement sexuel commencent à fleurir un peu partout sur la toile. Mais déjà, les experts listent leur limite en ce sens qu’un consentement ne peut être réduit à un oui ou à un non. Ainsi, les analystes y voient plutôt un moyen de protéger les éventuels auteurs d’agressions sexuelles.

Depuis quelques années, des entreprises et développeurs croient avoir trouvé une solution contre les agressions sexuelles en créant des applications de consentement sexuel. Ces derniers sont censés protéger contre les viols et autres agressions à caractère sexuel. « C’est bien joli en théorie, mais en pratique, ça ne tient pas la route. Ça ne tient pas compte de ce qu’est réellement le consentement », a déclaré la journaliste et étudiante en sexologie Myriam Daguzan Bernier. Elle estime que ces applications mobiles, où les deux parties prenantes d’une éventuelle relation sexuelle doivent remplir un questionnaire puis donner leur consentement, sont dangereuses, car elles peuvent encourager les agressions sexuelles. « Le consentement ne se résume pas juste à oui ou non. Le consentement, ça peut se retirer à tout moment », relève-t-elle.

Déjà en 2017, le concept de CNCNT, une application de consentement sexuel de l’acteur américain Nick Cannon en cours de développement à l’époque, avait vivement fait réagir la Directrice générale de la clinique juridique Juripop, Sophie Gagnon. « Ce n’est pas un outil de protection pour les personnes vulnérables : c’est vraiment un outil de protection pour les auteurs possibles [d’agressions] », estimait-elle. Là où ça se corse, indiquait-elle, c’est quand l’acteur se porte en grand défenseur de la pauvre femme. Et elle dénonçait l’idée qui voulait qu’une fois qu’on donne son consentement à une relation sexuelle, on ne peut plus le révoquer. « Si une des deux personnes change d’avis, mais que l’autre n’écoute pas, le viol ne sera pas dénoncé devant la justice. La victime se sentira coupable d’avoir dit oui. Enfin, si la victime porte plainte pour viol, le fait qu’elle ait d’abord consenti risque de discréditer son témoignage », avait-elle également fait remarquer.

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Le philosophe Cédric Lagandré d’abonder dans le même sens dans un essai intitulé “Du contrat sexuel”. « Le contrat passé en amont du désir, avant le désir, est une négation de l’obscurité du désir, qu’il prétend soumettre à la clarté sans angoisse du marché. Et étant donné que le désir se nourrit des fantasmes, des attentes, des projections et des incertitudes concernant l’autre, il contrevient à l’idée même du contrat, qui suppose la claire connaissance préalable”, analyse-t-il. Selon lui, un contrat repose forcément sur l’idée que l’on sait à quoi l’on s’engage avant de signer. « Si j’ignore ce à quoi je m’engage, ce n’est pas un contrat », juge-t-il. Ce, note-t-il, d’autant plus que de telles applis réduisent tristement le sexe au « seul acte, si possible jouissif, et bien sûr sans tabous ».

Quid d’une situation où un mineur donnerait son consentement en mentant sur son âge ? « Pour la personne qui s’est faite berner, ça lui donne une défense. S’il y a une certaine ambiguïté au niveau de l’âge de la victime, l’accusé peut se défendre avec le contrat », souligne Pierre Trudel, professeur au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal. Ou encore si une personne donnait son consentement en cochant des cases sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue ? Des questions auxquelles les créateurs de ces applications trouveront difficilement des réponses satisfaisantes.

La divulgation d’informations sur la vie privée est également un risque non négligeable à prendre en compte par les utilisateurs. En effet, il existe toujours un risque, pour eux, de se faire pirater par un individu malintentionné qui peut tomber sur leurs historiques de consentement, ainsi que sur leurs préférences sexuelles. Placer entre les mains d’une société privée sa capacité à consentir, ainsi que les détails de ses relations sexuelles, c’est renoncer toujours plus à sa vie privée en cédant l’un des pans les plus intimes de son identité. Sans parler des risques pour les données elles-mêmes, celles-ci pouvant très bien être réutilisées sans le consentement de leurs propriétaires.

       

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