CHRONIQUES
FRANCE-AFRIQUE : Un tribunal correctionnel est-il habilité à porter un jugement moral sur un régime africain en place ?
La justice française, le nouveau soft power de la Françafrique ? Cette semaine, peut-être 2 événements de nature judiciaire ont-ils fait sonner le glas de la Françafrique. C’est la fille et le gendre du président congolais mis en examen dans le cadre des biens mal acquis, d’une part. Et l’ouverture d’une instruction en France pour crimes contre l’humanité perpétrés lors des violences post-électorales au Gabon en 2016, d’autre part.
La justice française, par le biais de ses juges d’instruction, de la compétence universelle et de l’article 113-7 du code pénal, serait-elle plus efficace que les volontés de rupture affichées par nos gouvernants ces dernières décennies ? En tant que juriste en droits de l’homme, je ne peux que m’en réjouir. Seulement, à y regarder de plus près, le doute est permis.
Le Gabon et le Congo ne sont plus en odeur de sainteté auprès de l’Elysée. Les récentes élections présidentielles ont été contestées. Mais surtout la France n’est plus ce partenaire privilégié, la Chine lui contestant ce rôle (le nouveau parlement de Congo-Brazzaville a été offert par les chinois). Dans ce contexte, la justice française ne serait-elle pas au service de la Françafrique, celle qui juge et met au pilori ses anciens alliés pour accélérer leur remplacement par de nouvelles têtes plus conciliantes avec les intérêts de la France ?
« Imaginez qu’un jour un pays africain ouvre un procès contre la France pour les crimes perpétrés lors de la colonisation, ou lors de la période post-coloniale ! Quelle serait notre réaction ? »
Ensuite, je suis réservé sur l’efficacité de ces interventions judiciaires qui ne font qu’accroître l’incompréhension entre l’Afrique et la France. Un tribunal correctionnel est-il habilité à porter un jugement moral sur un régime africain en place ? Fût-il condamnable ! C’était le cas cette semaine dans le procès ouvert contre le vice-président de la Guinée Équatoriale, Téodorin Obiang ( une vraie condamnation socio-politique de ce pays lors du procès !).
Imaginez qu’un jour un pays africain ouvre un procès contre la France pour les crimes perpétrés lors de la colonisation, ou lors de la période post-coloniale ! Quelle serait notre réaction ? N’est-ce pas aux peuples Africains de décider, souverainement, du sort de ceux qui pillent les ressources de leurs pays ?
Cette attitude à rendre une justice universelle ne fait en réalité que renforcer une force de racisme culturel à l’endroit des Africains : ces « enfants » incapables de lutter chez eux contre les gabegies et les dictatures (d’où le dessin de Tintin au Congo).
Finalement, c’est à l’Afrique, et à elle seule, à qui il revient de décider de son avenir. Pas à la justice française qui, dans ce cas-là, est largement manipulée par l’exécutif !
Et que dire des opposants qui militent au sein de la diaspora africaine ? Ils sont discrètement reçus par la cellule africaine de l’Elysée. Cette diaspora opposante, parfois surexcitée et peu ou prou panafricaine, n’est qu’un instrument de soft power de la France.
Une fois leur leader au pouvoir, le même mécanisme se mettra en place mais cette fois-ci contre eux si l’influence de la France est menacée.
Par Emmanuel Desfourneaux : actuellement Directeur général ICAEP (Institut de la Culture Afro-européenne à Paris) et Fondateur de cette Ong partenaire officiel de l’Unesco.
CHRONIQUES
CÔTE D’IVOIRE- MUSIQUE : Quel avenir pour le couper décaler après la mort de Dj Arafat ?
La nuit du 11 au 12 Août 2019 restera dans l’histoire de la musique ivoirienne, marquée d’un triste sceau. Houon Ange Didier plus connu sous le pseudonyme de DJ Arafat, donnait tragiquement son âme à Dieu, à la suite d’un accident de moto. La triste nouvelle a bouleversé le monde entier tant l’homme était d’un charisme et d’une aura exceptionnels.
Fils de Houon Pierre et de Tina Glamour, eux-mêmes artistes, DJ Arafat déposait le micro dans la fleur de l’âge. Une trentaine d’années de vie ! Il est parti alors que la gloire et la célébrité lui ouvraient les bras, laissant ses milliers de fans dits les Chinois dans la désolation.
Sao Tao le dictateur, Beerus Sama, Commandant Zabra, Influenmento, Yorobo…, DJ Arafat, l’homme aux surnoms multiples était le maître du Couper Décaler, cette musique mise en marche dans les années 2000 par l’Ivoirien Douk Saga et sa bande d’amis jet-setteurs. Avec sa gouaille presqu’irrévérencieuse, DJ Arafat régnait sur cette musique. Provocateur à souhait, il n’hésitait pas à s’attaquer aux autres grosses têtes du milieu à travers des vidéos parfois virulentes. Ces sorties qui stimulaient la concurrence avaient fait du Couper Décaler la musique urbaine la plus en vogue en Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, cette musique marque le pas. L’héritage du Daïshikan DJ Arafat est sûrement lourd à porter. Debordo Leekunfa et Serge Beynaud qui maintenaient le rythme aux côtés de l’idole des » chinois » s’essouflent. L’absence de DJ Arafat se ressent encore. Et c’est malheureusement tout l’avenir du Couper Décaler qui s’écroule. Si Kédjévara le Météormane, Debordo et Serge Beynaud tentent de le maintenir à flots à travers des singles sporadiques, leurs efforts sont bien insuffisants. Le guide manque véritablement à l’appel.
Signe des temps. C’est le Rap Ivoire qui a conquis le cœur de la jeunesse ivoirienne. KS Bloom, Suspect 95, Didi B, Elown Kiff No Beat et d’autres rappeurs planent sur le showbiz ivoirien.
Hélas, » ce que la mort touche ne se réchauffe plus aux foyers d’ici-bas”.
DJ Arafat est parti. Il a fait sa part. Aux vivants de tenir la flamme du Couper Décaler vive ! Au travail, chers » Couper Décaleurs » !
CHRONIQUES
SÉNÉGAL – « L’insurrection sera télévisée » par Pierre Sané
Qui aurait pu imaginer que le Sénégal de « l’émergence » allait accoucher d’un régime de tyrannie ? L’appât est tout simplement la présidence à vie. Le Pastef n’est que la face émergée d’un peuple qui gronde de colère. Par Pierre Sané SenePlus
Appel à l’insurrection ?
Soyons sérieux !
L’insurrection ne saurait être attribuée à tel ou tel acteur politique. Non. Ce qui déclenche l’insurrection c’est la tyrannie.
L’insurrection c’est comme quand un système immunitaire sain produit des anticorps lorsqu’attaqué par un virus malsain et malveillant. Plus le système immunitaire est sain (cohésion sociale, solidarité, résilience, spiritualité …) et plus la réaction est ferme et sans équivoque. Pour une démocratie, c’est une réaction de survie. Il suffit de lire les livres d’histoire ou mieux de relire le préambule de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 : « Considérant qu’il est essentiel que les Droits de l’Homme soient protégés par un régime de droit, pour que l’Homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression… »
Nul besoin d’un soi-disant « appel ».
La tyrannie par contre est un projet politique, particulièrement malsain et malveillant. Pouvons-nous « apprendre à vivre avec un tel virus » ? Bien sûr que non !
Devons-nous le faire ? Hors de question !
Il faut s’en débarrasser.
Qui aurait pu imaginer que le Sénégal de « l’émergence » allait accoucher d’un régime de tyrannie ?
Tout d’abord la définition d’un tyran (de l’indispensable Wikipédia) : “La nature du pouvoir tyrannique se reconnaît en effet à ce que le tyran, sans abolir les lois, se place au-dessus d’elles. La perversion de ce régime tient aussi au fait que « la tyrannie cumule les vices de la démocratie et ceux de l’oligarchie », en raison de l’amour du tyran pour les richesses et de son hostilité à l’égard du peuple qu’il désarme et asservit. La tyrannie est le pouvoir arbitraire et absolu d’un souverain, d’une personne ou d’un groupe de personnes détenant l’autorité suprême, caractérisé par un gouvernement d’oppression et d’injustice”
Macky Sall est-il un tyran en devenir ?
« Je réduirai l’opposition à sa plus simple expression. » (et non pas je réunirai toute la nation dans sa diversité).
Voilà le programme politique que le président sénégalais Macky Sall avait dévoilé à ses concitoyens lors d’une conférence de presse à Kaffrine le 16 avril 2015. Ce jour-là Macky Sall avait rendu publique sa détermination à mener une guerre sans merci contre la démocratie.
Quand j’ai pris connaissance de ce prononcé, je n’en revenais pas. J’étais hors du pays. Des amis et camarades internationalistes de Turquie, Irlande, Kenya, Côte d’Ivoire et autres m’ont appelé pour confirmer que cela venait bien de la bouche du président de la République du Sénégal, une République constitutionnalisée comme étant démocratique laïque et sociale depuis 60 ans. Et qui dans son article 58 « garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du gouvernement le droit de s’opposer ».
Sénégal ? Une démocratie en construction leur avais-je toujours dit.
Mais, me répondent-ils, « Macky Sall contrôle le législatif, le pouvoir judiciaire ; il est Premier ministre, il nomme tous ses conseillers constitutionnels, il commande l’armée, il fait ce qu’il veut de votre argent y compris acheter le train le plus cher au monde (train français bien entendu).Il décide de la composition des listes de candidats députés de sa coalition, désigne les têtes de liste des élections locales, écrit la Constitution, change les règles du jeu avant les élections, choisit ses adversaires aux élections, s’attribue le rôle de maître des poursuites, dispose de l’administration.. Et … décide de la couleur des bus ! » (marron-beige bien sûr).
« Pierre, peux-tu toujours après tout ça nous abreuver de l’exception démocratique sénégalaise ? »
Piteusement, je réponds : au moins nous n’avons jamais eu de coups d’État.
« Ah ouais ? Votre président-poète n’a-t-il pas orchestré le premier coup d’État de l’Afrique indépendante contre le président du Conseil des ministres, en 1962, truquant son procès et le condamnant à la prison à perpétuité (Mamadou Dia) ? »
Revenant à la charge au sujet de Macky Sall, ils me disent (ils deviennent impitoyables) :
« Réduire à sa plus simple expression ?
Les dictionnaires nous en donnent une liste de synonymes : soumettre, anéantir, détruire, briser, vaincre, obliger, subjuguer, dompter, broyer, abattre, asservir, concasser, consumer, déchiqueter, acculer, recroqueviller.
Relis la liste ci-dessus et tu t’apercevras comment elle capture tous les actes posés par le président Macky Sall contre l’opposition depuis mars 2012. »
En effet, la guerre contre la démocratie s’est intensifiée.
Déjà, après avoir décroché Idrissa Seck, il plastronnait qu’il réunissait désormais 85% de l’électorat. Et maintenant que fait-il ? Il cherche à étouffer les porte-voix des 15% restants. Quinze pour cent de plus et il peut devenir monarque et tyran.
Ainsi, Macky Sall ambitionne de s’octroyer littéralement tous les pouvoirs sans contre-pouvoirs et sans opposition.
Mais bien entendu, il manquera l’essentiel des pouvoirs, l’élément clé, à savoir le pouvoir souverain de battre sa propre monnaie, de superviser les banques et de décider du montant de la masse monétaire en circulation ainsi que des taux d’intérêt. Ceci, afin de pouvoir mener des politiques de développement équitable, créer une véritable économie et mettre fin à la pauvreté.
Car ce pouvoir appartient au Gouverneur de la Banque Centrale (BCEAO) dont le vrai patron est Bruno Lemaire, ministre français des Finances. Si Macky Sall est un vrai « guerrier » qu’il aille donc décrocher ce trophée. Rien de plus facile que d’être courageux lorsqu’on a les fusils et les balles face à des gosses armés de cailloux. Mais face au maître, on courbe l’échine ! Asservissement, quand tu nous tiens.
C’est pourquoi Macky Sall ne sera toujours qu’un tyran par délégation avec la latitude toutefois d’imposer par la force et la violence la perpétuation de son séjour au pouvoir. L’appât est tout simplement la présidence à vie.
Or nous savons tous que si vous conjuguez présidence à vie avec pétrole et gaz le désastre s’installe : guerres, corruption généralisée, pauvreté, inégalités, répression tous azimuts népotisme. Il suffit de jeter un regard autour de nous : Gabon, Congo, Tchad, Cameroun, Guinée équatoriale… C’est pourquoi tous ces amis m’appellent : « Le Sénégal ne doit pas rejoindre ce club. »
Le Sénégal ne mérite pas ce destin et ne l’acceptera pas. Quant á la volonté manifeste de briser l’élan de Pastef ? C’est peine perdue parce que Pastef, ce n’est que la face émergée d’un peuple qui gronde de colère.
Macky Sall a commis l’erreur de confondre résultats d’une élection controversée avec le peuple debout.
S’il ne retient pas la leçon et persiste dans ses errements alors oui l’insurrection sera au rendez-vous et elle sera télévisée. Nul besoin d’un quelconque «appel».
Par contre, il serait instructif de passer un coup de fil à Blaise Compaoré.
A LA UNE
SÉNÉGAL : Affaire « Sweet Beauté », une démocratie souillée, Par l’éditorialiste de SenePlus Boubacar Boris Diop
Le paradoxe des événements en cours, c’est que tout en étant graves, ils ont l’allure d’une farce grotesque. Le sentiment que Macky Sall ne se fixe aucune limite est inquiétant. Réagir à chaud est rarement une bonne idée. On peut comprendre que, dans le feu de l’action, les politiques y soient contraints quasi tout le temps : d’une certaine manière, le moindre doute peut leur être fatal. Mais aujourd’hui, avec l’affaire du « Sweet Beauté », l’éthique républicaine est à ce point tournée en ridicule que l’urgence de sonner l’alerte s’impose également, et de toute urgence, à tous. Par Boubacar Boris Diop
Le paradoxe des événements en cours, c’est que tout en étant graves, ils ont l’allure d’une farce grotesque. Ainsi donc, l’homme le plus surveillé du Sénégal, si méfiant qu’il ne fait jamais enregistrer de valise en soute lors de ses voyages en avion, aurait choisi un lieu public pour violer, les armes à la main, une jeune masseuse de 21 ans. Cette dernière déclare avoir été sexuellement abusée à plusieurs reprises dans cet endroit où sont installées, nous dit-on, des caméras de surveillance. Mais surtout, pas une seule fois l’on n’a entendu l’accusatrice du leader de Pastef appeler au secours ou se débattre pour mettre fin à son « calvaire ». Après tout, les faits incriminés sont supposés s’être déroulés dans une maison qui n’a pas l’air bien grande et où vivent une dizaine de personnes, dont la famille de la propriétaire du Sweet Beauté.
Heureusement pour Sonko, les apprentis-sorciers à l’esprit un peu dérangé n’avaient pas prévu que cette dernière n’entrerait pas dans leur jeu. Sa prise de parole, d’une remarquable clarté, a bien montré que des gens cyniques tapis dans l’ombre ont exploité l’inexpérience – pour ne pas parler de fragilité psychologique d’Adja Raby Sarr – et sa détresse financière, pour détruire un homme davantage perçu comme un ennemi mortel que comme un simple adversaire politique.
Le comble de l’amateurisme a été de s’imaginer que, dans notre pays tel qu’il va, une telle affaire pouvait rester strictement privée. Il a suffi de quelques heures pour qu’elle se politise au point de reléguer au second plan tous les autres sujets de la vie nationale, y compris une pandémie chaque jour un peu plus meurtrière. La polarisation, dans un contexte de sourd mécontentement populaire, se fait bien évidemment au détriment du régime de Macky Sall. On ne voit pas avec un si mauvais départ par quel miracle ses hommes de main pourraient convaincre qui que ce soit de la culpabilité de Sonko. De toute façon, quelles que soient leurs prétendues preuves, elles seront rejetées avec mépris par le tribunal de l’opinion, le seul qui vaille dans un pays démocratique. Il n’est pas non plus besoin d’être un partisan de Sonko pour deviner que le leader de Pastef sortira poliquement renforcé de cette épreuve. Les soutiens qui convergent de toutes parts vers lui ne vont pas peu contribuer à le légitimer comme figure politique majeure. Jusqu’ici son importance politique tenait surtout à l’élan d’une jeunesse qui en avait fait le dépositaire de ses espérances. Le voilà qui prend, peut-être plus tôt que prévu, l’épaisseur d’un acteur incontournable de la scène publique.
Mais en ces heures de forte tension sociale, ce qui se joue va bien au-delà du destin politique de telle ou telle individualité. Il s’agit ici de la dignité de la démocratie sénégalaise dont les valeurs sont si joyeusement foulées au pied. En vérité ceux qui auraient dû la protéger sont tout simplement en train de la souiller. Aucune obscénité ou bizarrerie ne manque à l’appel : il est question d’une femme violée, bien réelle mais devenue un fantôme aussitôt sa plainte déposée ; du sperme d’un honnête père de famille – oublions un instant l’homme politique – convoyé nuitamment, paraît-il, vers un laboratoire ; d’une propriétaire de salon de massage victime de torture morale et de tentative de corruption pour lui faire changer son témoignage ; d’un Procureur de la République, Bassirou Guèye, d’une docilité à toute épreuve vis-à-vis de l’autorité politique ; de la convocation parfaitement illégale du député Ousmane Sonko à la « Section de recherches », c’est-à-dire au mépris de son immunité parlementaire ; et, tout aussi illégalement, de l’encerclement de son domicile par des chars de combat.
Comme si tout cela ne suffisait pas, l’Assemblée nationale est convoquée ce jeudi 11 février 2021 pour le livrer à une justice que, chose aussi triste que terrible, les justiciables ne prennent plus au sérieux.
La totale emprise de l’Exécutif sur le Judiciaire et sur le Législatif montre que dans ce pays, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un seul homme, le président de la République. Ces institutions sont censées constituer un triangle mais celui-ci est d’un genre bien particulier en ce sens qu’il n’a qu’un côté.
Le Sénégal n’est pas pour autant l’affreuse dictature que certains se plaignent à dépeindre et, de toute façon, ce présidentialisme envahissant n’est pas nouveau. Il n’a toutefois jamais été à la fois aussi dangereux et caricatural. Le sentiment que le président Macky Sall ne se fixe aucune limite est tout à fait inquiétant. En agissant d’une façon aussi cavalière, il montre le peu de cas qu’il fait non seulement du commun des Sénégalais mais aussi de ses alliés.
Ce dernier point mérite que l’on s’y arrête un instant.
Certains compagnons de route de Macky Sall sont connus et respectés pour s’être battus leur vie durant pour le progrès et la souveraineté du Sénégal. Qu’ils aient décidé à un moment donné de soutenir Macky Sall importe finalement peu : la vie politique réelle est faite de ces allers-retours et chassés-croisés, ce n’est que le délicieux chaos de la politique politicienne sous les Tropiques. Rien de bien méchant. Ce qui reste plus difficile à accepter, c’est que des intellectuels aussi clairvoyants et d’une grande force de caractère donnent aujourd’hui – du dehors tout au moins – l’impression d’être littéralement tétanisés face au chef de l’Etat. Dans une situation normale, celui-ci devrait pouvoir se dire de temps à autre qu’il existe une ligne rouge que certains de ses alliés, indépendamment de leur poids électoral, ne lui permettraient pas de franchir. La situation ubuesque que nous vivons depuis quelques jours est typique d’un pays où personne n’ose murmurer la moindre réserve à l’oreille du boss.
Et ce n’est pas que personne n’en ait envie. Il se pourrait bien, en effet, que même dans son parti, des cadres et des militants, quelle que soit leur hostilité à Ousmane Sonko – on peut parfaitement la comprendre – soient embarrassés de voir leur leader se tirer si souvent une balle dans le pied.
Pour expliquer ses comportements erratiques, plusieurs précédents sont cités ces jours-ci, de Karim Wade à Aminata Touré, en passant par Khalifa Sall, tous soupçonnés de lorgner le fauteuil présidentiel, crime gravissime s’il en est. Quelqu’un aurait dû souffler au président que tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. La maladroite tentative d’élimination de Sonko, vouée à l’échec, risque de le lui rappeler amèrement. Le leader de Pastef pourrait tirer profit du sentiment de plus en plus partagé que trop c’est trop.
Il est possible que les stratèges du pouvoir aient voulu, par cette provocation, tester les capacités de résistance de Pastef, s’assurer que, comme la propagande du régime le répète à l’envi, que ce n’est que « le parti des réseaux sociaux ». Le résultat a dû les décevoir : le Sénégal s’est retrouvé en très peu de temps dans une situation quasi insurrectionnelle non seulement dans certains quartiers dakarois mais aussi dans des villes comme Louga, Bignona, Mbour et Ziguinchor, cette liste étant fortement susceptible de s’allonger si l’on ne met pas fin au plus vite à cette pantalonnade. Last but not least, le début d’internationalisation à laquelle on assiste fait politiquement sens au vu de la côte d’amour de Pastef dans la diaspora.
En somme, cette expérience peu concluante devrait ramener Macky Sall à la raison. Elle lui donne surtout un désagréable avant-goût des sérieux obstacles qu’il lui faudra surmonter pour imposer une troisième candidature. Ce sera tout simplement mission impossible, même si les exemples de Ouattara et Condé pourraient l’inciter à s’entêter.
La seule chose que devrait faire Macky Sall, c’est de se résigner à l’idée que l’on ne peut pas mettre un pays à feu et à sang au prétexte de vouloir continuer à le diriger. Entre avril 1960 et cette année 2021, des dizaines de millions de fils du Sénégal y ont vécu et y vivent encore. Parmi eux, seuls quatre ont eu l’honneur d’en être le chef d’Etat. Des millions d’autres vivent très bien le fait de n’avoir jamais eu à présider un quelconque pays et beaucoup d’entre eux ne sont pas moins capables que Macky Sall. Bien au contraire…
Source : SenePlus / Par Boubacar Boris Diop / bdiop@seneplus.com
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