AFRIQUE DE L’OUEST
NIGER – Abdourahamane Tchiani, l’homme fort du Niger au pouvoir
Après 48 heures de discussions, il s’est imposé face à un autre général, ce samedi 29juillet 2023. Un témoin des discussions explique à RFI : « Le premier jour, au camp de la garde présidentielle, ça a été un peu tendu. Pour certains, Abdourahamane Tchiani n’était pas le bon choix. Dans l’armée, des gens le trouvaient trop proche de l’ancien président Mahamadou Issoufou. Il a probablement travaillé les uns et les autres dans la nuit de jeudi à vendredi. »
C’est vrai que c’est l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou (2011-2021) qui a ramené à la lumière celui qui était encore colonel en le nommant dans un premier temps « aide de camp ». Il sera rapidement bombardé chef de la garde présidentielle et général. À la tête de quelques centaines d’hommes bien formés, il veillait jour et nuit sur le chef de l’État qui lui avait donné les moyens de sa politique. Puis le général Tchiani va être confirmé au même poste lors de l’arrivée au pouvoir du président Mohamed Bazoum en 2021, veillant sur ses deux patrons comme sur la prunelle de ses yeux, en matant par exemple deux tentatives de coups d’État. En retour, les deux l’auront chouchouté.
Un de ses condisciples le décrit : « Nous avons été recrutés ensemble dans l’armée en 1984 à Niamey, plus précisément dans la « commune 1 ». Je me souviens de notre première tenue de recrue, bleue avec sandale le premier jour. Le recrutement par commune était de huit personnes. Après notre recrutement, le lendemain, nous sommes allés au centre d’instruction de Tombia, situé à une dizaine de kilomètres de Niamey. Et là, un instructeur a levé le ton sur nous. Tchiani a tout de suite riposté, c’est un homme de caractère. »
Il sait en tout cas manœuvrer. Alors que le premier jour du coup d’État, il savait qu’il n’était pas en bonne position pour prendre la tête du mouvement, il a proposé que les différents corps dépêchent des délégués à la télévision pour annoncer la prise de pouvoir par l’armée. Son adjoint était présent. Le lendemain, alors que les négociations se corsaient, un de ses adjoints a menacé de ne plus garantir la sécurité du président Mohamed Bazoum en signe de menaces.
« Le général Tchiani est un vrai chef militaire », confie un autre officier nigérien qui le côtoie depuis 23 ans. Le jour du coup d’État, avant de passer à l’acte en procédant à la séquestration du président Mohamed Bazoum, il aurait senti un grain de sable dans son plan. Mais déterminé, il aurait foncé dans le bureau de celui qui était encore son chef pour lui demander de se mettre à sa disposition.
Vendredi 28 juillet, il est apparu à la télévision nationale comme le nouvel homme fort, en lisant un communiqué en tant que président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNPS). Le général Tchiani a justifié le coup d’État de mercredi par « la dégradation de la situation sécuritaire ». Selon lui, sous le président Mohamed Bazoum, il y avait « le discours politique » qui voulait faire croire que « tout va bien ». Or, il y avait « la dure réalité avec son lot de morts, de déplacés, d’humiliation et de frustration ». Dans la foulée, comme pour montrer qu’il prenait les choses en main, il a convoqué les secrétaires généraux des ministères chargés de gérer les affaires courantes.
Formation militaire et parcours professionnel
Le général de brigade Abdourahamane Tchiani est un ancien élève de l’École nationale des officiers d’active de Thiès, au Sénégal. Il fut plutôt un élève moyen. L’homme a également effectué plusieurs stages et formation à l’étranger. Mais il a fait également du terrain dans son pays. Par exemple, dans la région de Diffa (Nguiguimi et Ngoourti), puis Dirkou. Parmi les postes occupés, il y a celui de commandant de compagnie à la frontière tchadienne (1996-1997). Il a également exercé au haut commandement de la gendarmerie nationale. En 2010, il était commandant de la zone numéro 3 à Zinder.
Pour le remercier pour sa fidélité, le président Bazoum de blanc vêtu il y a quelques mois a publiquement déclaré : « Général de brigade Tchiani Abdourahamane, chef de corps de la garde présidentielle du Niger, vous avez su gravir tous les échelons de commandement des forces armées nigériennes, des unités élémentaires aux zones de défense. Toutes ses responsabilités, vous les avez assumées pleinement et avec un esprit de dévouement, d’abnégation, de disponibilité et de loyalisme… » Debout, au garde-à-vous, le général Tchiani écoutait son chef, recevait sa décoration et disparaissait.
« L’autre point fort du général Tchiani, c’est qu’il sait être froid. On ne sait jamais ce qu’il pense », rapporte un diplomate africain en poste à Niamey. Une personnalité de la sous-région qui a suivi des soins médicaux il y a quelques mois en Turquie, au même moment que le nouvel homme fort du Niger, confirme : « J’ai suivi au même moment des soins médicaux que lui en Turquie, il y a quelques mois. Il sait camoufler les choses. Il peut être drôle, mais difficile de connaître le fond de sa pensée. »
Abdourahamane Tchiani n’a pas que d’amis. L’un d’eux lui jette la première pique après son installation dans le fauteuil de président du CNSP : « Lorsqu’il critique la lutte contre le terrorisme menée par le président Mohamed Bazoum, je ne suis pas d’accord. Il était au cœur du dispositif. Je vais même vous dire : parfois, lorsqu’on devait faire voler un hélicoptère pour attaquer les jihadistes, il refusait, arguant que l’appareil pouvait en réalité servir pour faire un coup d’État. » « Galéjades ! », répond un capitaine de l’armée nigérienne très proche de lui.
D’autres personnes interrogées estiment qu’il est moins populaire au sein de l’armée que d’autres hauts gradés. Et d’autres font la moue lorsqu’on égrène les faits d’armes de celui qui fut en 2010 le commandant de la zone militaire n°3 de Zinder.
Après le coup d’État, l’ex-président Mahamadou Issoufou, ex-mentor du nouvel homme fort du Niger, ne s’est pas exprimé. Ce silence a été diversement interprété. Le général Tchiani travaille-t-il pour lui en sous-marin ? Un proche d’Issoufou dément catégoriquement.
C’est à l’œuvre qu’on connaît l’artisan. Il faut donc voir le général Tchiani gouverner, murmure un partisan de Mohamed Bazoum, qui annonce « des surprises ».
AFRIQUE
CÔTE D’IVOIRE – Le RHDP favori, le PDCI en quête de remobilisation pour les élections législatives
À l’approche des élections législatives en Côte d’Ivoire, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) s’impose comme le parti le plus présent sur le terrain électoral. Il aligne le plus grand nombre de candidats, dont une large majorité de ministres en fonction et de figures majeures du parti. Du chef du gouvernement aux ministres des Eaux et Forêts ou de la Santé, les principaux cadres sont engagés dans leurs fiefs respectifs. Pour plusieurs observateurs, ces élections constituent un test politique majeur, dans un contexte où le président de la République souhaite impulser une transition générationnelle au sein de l’appareil d’État et du parti.
Favori du scrutin, le RHDP doit néanmoins composer avec une difficulté récurrente : la multiplication de candidatures indépendantes issues de ses propres rangs. Dans des régions stratégiques comme le Tonkpi à l’ouest ou la Bagoué au nord, ces dissidences fragilisent l’unité du parti. Le ministre Bruno Koné, lui-même candidat dans le nord du pays, a d’ailleurs appelé à la discipline et à la loyauté, afin d’éviter une dispersion des voix préjudiciable.
Face au RHDP, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) présente 163 candidats. Désormais dirigé par Tidjane Thiam, le parti doit aussi gérer des tensions internes. Des figures historiques, comme Maurice Kakou Guikahué à Gagnoa ou Olivier Akoto à Daoukro, se présentent en indépendants après avoir été écartées des investitures officielles. Après son absence remarquée à la présidentielle, le PDCI devra surtout mobiliser un électorat tenté par l’abstention.
Grand absent de ces législatives, le PPA-CI de l’ancien président Laurent Gbagbo a opté pour le boycott, dénonçant un climat politique qu’il juge délétère. D’autres acteurs majeurs de la présidentielle d’octobre ne sont pas non plus candidats, à l’image de Jean-Louis Billon ou de Simone Ehivet Gbagbo, même si son parti aligne une quinzaine de prétendants. Quant au FPI de Pascal Affi N’Guessan, il présente 21 candidats, sans son leader en tête de liste.
AFRIQUE
BÉNIN – Patrice Talon s’exprime sur la traque des mutins et la réforme constitutionnelle
Le président béninois Patrice Talon s’est exprimé sur deux dossiers majeurs de l’actualité nationale : la poursuite des auteurs des événements du 7 décembre dernier et la récente révision de la Constitution, promulguée le 17 décembre 2025.
Concernant la tentative de mutinerie, le chef de l’État a assuré que la traque du principal responsable et de ses complices se poursuit activement. Un mandat d’arrêt international a été émis, et les autorités béninoises ont sollicité la coopération des pays voisins afin de faciliter leur localisation et leur extradition. Sans citer de pays précis, Patrice Talon a indiqué que les auteurs de ces actes ont été manipulés par des responsables politiques qu’il qualifie de « nostalgiques et jaloux », avec l’appui de soutiens extérieurs.
Le président n’a pas mâché ses mots à l’égard des mutins, les qualifiant de « crapules », de « voyous » et de « marginaux ». Il s’est félicité de l’absence totale de ralliement, tant au sein de l’armée et de la Garde nationale que de la population. Évoquant le cas de Pascal Tigri, Patrice Talon a révélé que ce dernier avait été contacté par son supérieur hiérarchique et invité à se rendre, avant de prendre la fuite en tenue civile. Il a salué le professionnalisme et la loyauté des forces de défense et de sécurité, qu’il a jugées « extraordinaires ».
Le second volet de son intervention a porté sur la révision constitutionnelle, vivement critiquée par l’opposition. Patrice Talon a rejeté toute accusation d’allongement déguisé du mandat présidentiel et a clarifié la notion de trêve politique. Selon lui, celle-ci ne vise qu’à empêcher une campagne électorale permanente, rappelant que la Constitution encadre déjà strictement les périodes de campagne. Il a précisé que la critique de l’action publique demeure pleinement garantie.
Enfin, s’agissant de la création du Sénat, le président a défendu cette institution comme un organe d’arbitrage destiné à prévenir les blocages institutionnels et à assurer la stabilité politique, estimant que son expérience du pouvoir en démontre la nécessité.
AFRIQUE
MALI – L’imam Dicko et la CFR lancent la « troisième voie » contre la junte
Au Mali, le paysage politique en exil s’organise avec l’essor de la Coalition des forces pour la République (CFR). Lancée début décembre 2025, cette organisation placée sous l’égide de l’imam Mahmoud Dicko enregistre ses premiers ralliements de poids. Son objectif est sans équivoque : mettre un terme à une transition militaire qui dure depuis plus de cinq ans et restaurer l’ordre constitutionnel ainsi que les libertés fondamentales.
Housseini Amion Guindo, dit « Poulo », ancien ministre et figure de proue de l’opposition, est le premier grand leader politique à officialiser son adhésion. Pour lui, la CFR représente une « troisième voie » indispensable face au dualisme destructeur entre la « dictature implacable » de la junte et la menace jihadiste. Selon Guindo, ces deux extrêmes se nourrissent mutuellement, piégeant le peuple malien dans une impasse sécuritaire et démocratique.
D’autres personnalités, comme Abdoulaye Coulibaly (ICAP) et Oumar Abdou Touré (Kaoural Renouveau), ont également rejoint le mouvement. Ils voient en l’imam Dicko, figure morale historique déjà au centre de la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta en 2020, le seul « repère incontournable » capable de fédérer les Maliens autour d’un projet de résistance pacifique. La CFR appelle désormais à la désobéissance civile pour contraindre le pouvoir militaire à rendre les rênes du pays.
Cependant, une interrogation subsiste : le silence de son mentor. Exilé en Algérie, l’imam Mahmoud Dicko ne s’est pas encore exprimé publiquement sur cette coalition dont il est le référent républicain. Si de nombreux acteurs du mouvement prodémocratie soutiennent la dynamique, ils attendent une déclaration officielle du guide avant de s’engager totalement. Ce nouveau pôle d’espérance parviendra-t-il à ébranler le régime de Bamako depuis l’extérieur ? L’avenir de la résistance malienne semble désormais suspendu aux mots de l’imam.
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