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AFRIQUE DE L’OUEST

COTE D’IVOIRE : LAURENT GBAGBO, ex-président ivoirien: « j’accuse la France de Chirac et de Sarkozy » (Interview intégrale à Mediapart)

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L’ancien président de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo, en détention provisoire depuis 2011 à la Cour pénale internationale à La Haye, affirme dans un entretien exclusif à Mediapart que la France de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy, a systématiquement saboté sa présidence. Refusant une trop grande indépendance du pouvoir d’Abidjan, Paris n’a cessé d’œuvrer à son renversement.

La Haye (Pays-Bas), envoyée spéciale.– Les récentes mutineries de militaires en Côte d’Ivoire sont venues rappeler que le président Alassane Ouattara était arrivé au pouvoir, en 2011, en recourant aussi à des combattants mercenaires, dont certains avaient été engagés dès 2002 dans un coup d’État raté contre Laurent Gbagbo. Dans le processus qui a conduit Alassane Ouattara à être déclaré élu à la présidence ivoirienne, il y a eu un acteur majeur : la France. Pour beaucoup de citoyens d’Afrique francophone, son implication dans la crise politico-militaire qu’a traversée la Côte d’Ivoire de 2002 à 2011 est évidente, même si elle a toujours cherché à cacher ou à faire oublier son rôle.
Détenu depuis six ans à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI), Laurent Gbagbo est poursuivi pour « crimes contre l’humanité », des crimes qui auraient été commis en 2010 et 2011 : « meurtre, viol, autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – tentative de meurtre et persécution ». L’ancien président ivoirien a une vision très précise de cette responsabilité française. Il l’a récemment détaillée dans des circonstances singulières : il a accepté que je lui rende visite dans sa prison, le 15 mai 2017. À la fin de nos échanges, il a donné son accord pour l’utilisation dans un article de certains de ses propos, qu’un de ses proches, présent aussi ce 15 mai, a relus avant publication (lire la Boîte noire en pied de cet article).

Le contexte entourant cette visite était également particulier. Chaque nouvelle audience du procès ouvert contre l’ancien président en janvier 2016, il y a donc bientôt déjà un an et demi, montre que la thèse de l’accusation s’effondre. En outre, il est de plus en plus question pour lui d’une possible libération, en raison de sa santé fragile, de son âge – 72 ans – et surtout de la durée de sa détention provisoire, qui a dépassé les normes admises par la Cour européenne des droits de l’homme.

Lors de cette entrevue du 15 mai, Laurent Gbagbo, élu en 2000, a dit n’avoir aucun doute : la France a cherché, pendant toutes ses années à la présidence, à l’écarter du pouvoir. À l’époque, il l’avait déjà plusieurs fois laissé entendre. Peu après le départ de Jacques Chirac de la présidence française, en 2007, il avait par exemple déclaré : « Depuis que Jacques Chirac est parti, je dors d’un sommeil profond et je me réveille tranquillement, sans penser que la nuit on peut attiser des militaires à droite et à gauche. »
Aujourd’hui, il assure « avoir su depuis le début » que Paris était derrière la tentative du coup d’État du 19 septembre 2002. Lorsque cette opération armée, menée par des ex-soldats ivoiriens pro-Ouattara, a eu lieu, Laurent Gbagbo était en visite officielle en Italie, où il s’était entretenu avec le président du Conseil, Silvio Berlusconi. Ce dernier l’avait mis en garde, raconte-t-il : « Il m’a dit : “Ne fais pas confiance à Chirac, il te plantera un coup de couteau dans le dos.” La nuit suivante, la Côte d’Ivoire était attaquée. »

À l’époque, la ministre de la défense Michèle AlliotMarie avait refusé d’appliquer l’accord de défense liant la France à la Côte d’Ivoire et prévoyant l’intervention de l’armée française en cas d’agression extérieure contre la Côte d’Ivoire. Elle avait justifié cette décision en soutenant qu’il s’agissait d’un conflit entre Ivoiriens. Pourtant, les assaillants étaient partis du Burkina Faso, qui les avait appuyés sur le plan financier et logistique.
Par la suite, cette rébellion armée, qui a pris le nom de Forces nouvelles, a entretenu un état de guerre permanent et occupé 60 % du territoire ivoirien jusqu’en 2011, avec le soutien actif du président burkinabè Blaise Compaoré. Des militaires français n’ont jamais compris pourquoi le gouvernement français avait refusé d’aider l’armée ivoirienne à déloger cette rébellion, qui non seulement tenait la moitié du pays mais aussi y faisait régner la terreur. Une telle action militaire n’aurait pris que quelques jours.
Mais « cette décision politique de dire “Oui, on soutient le gouvernement Gbagbo, et on va rétablir la paix et la stabilité au nord de la zone de confiance” n’est jamais venue. […] La France a souscrit à cette partition du pays avec au nord les Forces nouvelles et au sud le gouvernement du président Laurent Gbagbo », a relevé en 2012 Georges Peillon, ancien porteparole de Licorne, opération militaire française en Côte d’Ivoire.
C’est parce qu’il était « de gauche » que le pouvoir français a tenté de le renverser, affirme aujourd’hui Laurent Gbagbo, qui a longtemps lutté pour la restauration du multipartisme en Côte d’Ivoire, obtenue en 1990. « Une partie de la droite [française], et surtout Villepin [qui est en 2002 secrétaire général de la présidence de la République avant de devenir ministre des affaires étrangères – ndlr], ne voulait pas que je sois président », dit-il, ajoutant : « Les Français m’ont toujours préféré dans l’opposition. »
« J’était trop indépendant »

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L’ex-président précise que ses ennuis ont réellement commencé quand le socialiste Lionel Jospin a quitté ses fonctions de premier ministre en France et a été battu à l’élection présidentielle de mai 2002. C’est en effet seulement quelques mois plus tard qu’a eu lieu l’attaque du 19 septembre 2002. Si « la gauche » lui « a foutu la paix » au début, des cadres du Parti socialiste l’ont cependant fortement combattu par la suite. L’ex-ministre Henri Emmanuelli a été l’un des rares à être restés pour lui un fidèle ami, tout comme Guy Labertit, qui a été le « Monsieur Afrique » du Parti socialiste.

« J’étais trop indépendant » vis-à-vis de la France, avance aussi Laurent Gbagbo pour expliquer l’acharnement des autorités françaises contre lui. Il rappelle qu’il a dû un jour répondre à Chirac qu’il n’était pas un de ses sous-préfets. C’était en 2006 et il avait précisément déclaré : « Je ne suis pas président de la République pour travailler sous la dictée de quelqu’un. Je ne suis ni gouverneur, ni sous-préfet, ni préfet. Je suis un chef de l’État élu par son peuple. » Pour illustrer cet esprit d’indépendance qui aurait déplu à Paris, l’ex-chef d’État évoque plusieurs mesures, prises très vite après sa prise de fonctions, dont l’adoption d’un « budget sécurisé » : il s’agissait pour l’État ivoirien de ne compter que sur ses ressources propres pour se financer. La France et l’Union européenne avaient à ce moment-là suspendu leurs prêts à la Côte d’Ivoire, après le rejet de la candidature d’Alassane Ouattara, pour défaut de nationalité ivoirienne, à des élections législatives.

Les Français « voulaient nous étouffer. Avec le budget sécurisé, l’idée, c’était : on ne demande rien à personne. Bien sûr, si certains voulaient nous aider, nous acceptions. Mais il n’était pas question de réclamer quoi que ce soit », explique Laurent Gbagbo. Ce dernier a aussi cherché à équiper l’armée ivoirienne en s’adressant à d’autres pays que la France. « Lorsque je suis arrivé à la présidence, nous avions des officiers très bien formés, mais qui n’avaient pas d’outils de travail. Kadhafi – qui jouait sur plusieurs tableaux à la fois – nous a procuré cent kalachnikovs : elles ont été les premières armes de la police. Ensuite, je me suis adressé à Eduardo Dos Santos », président de l’Angola, qui a lui aussi accepté de fournir des armes à la Côte d’Ivoire. Mais « si on se passe des Français, c’est comme si on les agresse. Pour eux, c’est la France qui doit dicter la voie à suivre à la Côte d’Ivoire », constate l’ancien chef de l’État. « J’ai pensé que les réformes que je voulais engager auraient amené les Français à dire : “C’est un homme d’État, laissons le travailler.” » Seulement, Paris voulait qu’Alassane Ouattara, au profil plus conciliant, arrive au pouvoir. Les Français « ont imposé Ouattara en 1989 à Houphouët-Boigny [président de la Côte d’Ivoire de 1960 à 1993 – ndlr]. L’objectif, dès cette époque, c’était de l’amener à la présidence », analyse Laurent Gbagbo. Allié fidèle des Français en Afrique de l’Ouest, Blaise Compaoré a soutenu ce projet : « Compaoré m’a dit : “Tu es mon ami, mais il faut Ouattara comme président.” » Blaise Compaoré « a toujours agi pour le compte de la France », selon l’ex-chef d’État. C’est d’ailleurs l’armée française qui a exfiltré Blaise Compaoré du Burkina Faso, fin 2015, alors qu’il était menacé par un important mouvement de contestation.

Début 2003, la France a poussé la Côte d’Ivoire à signer l’accord dit de Linas-Marcoussis, qui a enlevé à Gbagbo une partie de ses prérogatives présidentielles et l’a obligé, notamment, à faire entrer des représentants des Forces nouvelles dans le gouvernement. « Je me suis retrouvé avec des ministres totalement illettrés, qui ne savaient ni lire ni écrire ! », se souvient-il. Le président a fait par la suite de nombreuses concessions à ses adversaires, acceptant par exemple que l’opposition politique et armée devienne majoritaire au sein de la « commission électorale indépendante » chargée d’organiser les élections.

En novembre 2004, les relations entre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo et la France de Jacques Chirac se sont considérablement détériorées. Le 6 novembre a eu lieu ce qu’on appelle aujourd’hui le « bombardement de Bouaké » : des avions ivoiriens pilotés par des Biélorusses ont tué neuf soldats français, à Bouaké. Chirac a aussitôt accusé son homologue ivoirien d’avoir été le donneur d’ordre. Ce dernier a nié toute responsabilité, sans être cru.

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Trois jours plus tard, le 9 novembre, dans un contexte de grande confusion et après ce qui a ressemblé à un nouveau coup d’État raté, l’armée française a tiré sur une foule de manifestants non armés devant l’hôtel Ivoire, à Abidjan, tuant plusieurs dizaines de personnes. L’État ivoirien n’a jamais porté plainte à propos de cette fusillade, contre l’avis de collaborateurs de Laurent Gbagbo. Ce dernier dit aujourd’hui avoir plutôt « compté sur le temps pour que les gens y voient plus clair ».

Peut-être ce moment est-il arrivé : ces dernières années, l’enquête de la justice française sur le bombardement de Bouaké s’est orientée vers l’hypothèse d’une implication voire d’une responsabilité française. Début 2016, la juge chargée de l’enquête, Sabine Kheris, a ainsi demandé que les anciens ministres Dominique de Villepin, Michel Barnier, Michèle Alliot-Marie soient renvoyés devant la Cour de justice. Laurent Gbagbo se réjouit d’avoir pu être entendu par la magistrate, venue spécialement à La Haye, et d’avoir pu aussi rencontrer l’avocat des familles des soldats français, lui aussi persuadé de son innocence.

« Je ne suis pas en prison. Je suis otage »

En 2007, Laurent Gbagbo a conclu un nouvel accord de paix avec le chef des Forces nouvelles, Guillaume Soro. L’élection présidentielle qui devait avoir lieu peu après a cependant été plusieurs fois retardée. Laurent Gbagbo a été accusé de chercher à repousser au maximum cette échéance pour se maintenir au pouvoir. Les pressions politiques, venues essentiellement de Paris, ont fini par faire oublier que les rebelles n’ont jamais respecté les différents accords signés, dont celui de Linas-Marcoussis, qui fixaient leur désarmement comme préalable à l’organisation de la présidentielle. Les Forces nouvelles ont toujours refusé de se séparer de leurs armes.

Le scrutin a finalement été programmé pour la fin de l’année 2010. Nicolas Sarkozy, ami d’Alassane Ouattara, était alors président de la France depuis 2007. Laurent Gbagbo a vite vu que les choses allaient mal tourner : « J’ai compris que Sarkozy voulait utiliser les élections comme prétexte. On nous a par exemple imposé l’entreprise Sagem » pour assurer une grande partie des opérations techniques liées à l’organisation du vote. L’Élysée a en effet fortement insisté pour que Sagem Sécurité, société française, soit choisie par le gouvernement ivoirien. Ensuite, « Sarkozy a répété à Ouattara : “Tu vas gagner.Puis ils ont levé des mercenaires dans la sous-région en leur promettant que s’ils arrivaient à enlever Gbagbo, ils auraient 12 millions de francs CFA chacun ». La crise éclate début décembre 2010, après le second tour de la présidentielle. À l’issue d’un processus douteux, la commission électorale indépendante annonce des résultats provisoires donnant Alassane Ouattara victorieux, avec plus de 54 % des suffrages. Mais le Conseil constitutionnel décide, le lendemain, d’annuler pour fraudes massives les résultats dans sept départements du Nord, sous contrôle rebelle depuis 2002. Et il proclame la victoire de Laurent Gbagbo avec 51,45 % des suffrages, contre 48,55 % à son rival. Le représentant de la mission des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et la communauté internationale, dont la France, prennent le parti d’Alassane Ouattara. Dès lors, le conflit est inéluctable.

Auparavant, Laurent Gbagbo avait plusieurs fois signifié son souhait de voir l’armée française quitter la Côte d’Ivoire, où elle dispose d’une importante base. Il l’avait en particulier fait savoir à une délégation envoyée par Nicolas Sarkozy à Abidjan pour revoir l’accord de défense liant les deux pays. Il se souvient avoir déclaré : « Cette ère [de présence militaire française en Côte d’Ivoire] est finie. » « J’ai cru que la sagesse l’emporterait. Je ne pensais pas qu’ils iraient jusqu’à bousiller le pays », commente aujourd’hui l’ancien président.

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Pendant les cinq mois de crise postélectorale de 2010-2011, l’escalade des violences fait officiellement trois mille morts dans le pays. Face aux combattants de Ouattara, Laurent Gbagbo s’appuie sur les forces de défense et de sécurité, elles-mêmes soutenues par des groupes d’autodéfense (notamment dans l’Ouest), mais aussi sur le mouvement dit des « Jeunes patriotes »de Charles Blé Goudé, fidèle devenu ministre et jugé aujourd’hui dans le même procès que lui à La Haye. Mais la France, allant au-delà du cadre d’une résolution de l’ONU dans lequel elle était censée agir, a fait un usage inédit de la force, qui a stupéfié beaucoup d’Ivoiriens : début avril 2011, des hélicoptères français ont pilonné pendant plusieurs jours la résidence officielle du chef de l’État ivoirien, où ce dernier se trouvait avec ses enfants, ses petits enfants et des dizaines de collaborateurs. Plusieurs de ces derniers restent aujourd’hui persuadés que l’intention des Français était d’éliminer physiquement Laurent Gbagbo. Le 11 avril 2011, après une dernière nuit d’intenses bombardements, une opération au sol menée par l’armée française a abouti à son arrestation. La résidence était alors en feu et en ruine. Ailleurs dans le pays, l’armée française a aussi joué un rôle important auprès des troupes levées par Alassane Ouattara pour prendre le contrôle de l’ensemble du territoire – avec, à la clé, la perpétration de massacres.

Six ans après, Laurent Gbagbo est donc toujours en détention provisoire. Il a d’abord passé huit mois dans le nord de la Côte d’Ivoire, dans des conditions éprouvantes et en dehors de tout cadre légal. Il est depuis novembre 2011 au centre de détention de Scheveningen de la CPI, à La Haye. Comme les six autres prisonniers (tous africains) de la CPI, il est détenu dans une cellule de 10 m2 et est soumis à des contrôles stricts. Il n’a pas vraiment été surpris de se retrouver là : depuis 2003, ses adversaires le menaçaient de l’amener devant la justice internationale, rappelle-t-il. Blaise Compaoré avait en effet déclaré en marge des « négociations » de Linas-Marcoussis, en janvier 2003 : « Gbagbo finira comme Milosevic, c’est-à-dire devant le Tribunal pénal international. » Quelques semaines après, en février 2003, Chirac avait repris la menace. Nicolas Sarkozy a fait de même en 2010, tout au début de la crise postélectorale. « Je ne suis pas en prison. Je suis otage », estime Laurent Gbagbo. « Je suis là pour permettre à Ouattara d’être à la présidence » et aux Français de continuer à avoir la mainmise sur la Côte d’Ivoire, assure-t-il. Il n’en revient pas que Alassane Ouattara ait été obligé de faire appel à des aides extérieures pour assurer le fonctionnement de l’État ces dernières années. « J’ai toujours payé les fonctionnaires. L’État ivoirien a largement les moyens de fonctionner », affirme-t-il. Il le répète : « Pour qu’il y ait développement, il faut résoudre le problème de l’indépendance » des pays d’Afrique francophone. Aujourd’hui, « deux points fondamentaux bloquent cette indépendance : la défense et la monnaie. L’armée française maintient son assise sur nous », et la monnaie, le franc CFA, reste contrôlée par la France, détaille Laurent Gbagbo.

Il confie avoir cherché le moyen de quitter la zone franc, mais « il ne fallait pas faire sortir la Côte d’Ivoire seule, sinon [le pays] se serait fait attaquer aux frontières ». C’est ce qui était arrivé à la Guinée, en 1960 : deux ans après avoir obtenu son indépendance, elle avait créé sa banque centrale et sa monnaie, le franc guinéen. Mais lorsque ce dernier avait été mis en circulation, les services secrets français avaient injecté de la fausse monnaie dans l’économie du pays, la faisant plonger aussitôt durablement. Dans les années 2000, Laurent Gbagbo s’est rendu compte que les autres dirigeants des pays d’Afrique francophone n’étaient pas prêts à envisager un départ de la zone franc (lire ici notre série sur le franc CFA).

Pour comprendre ce qu’est la Françafrique, « il faut lire le chapitre 12 du texte originel de la Constitution de 1958 », insiste Laurent Gbagbo, pour qui « les Français continuent leur politique coloniale ». Selon ce chapitre qui porte sur la « communauté », c’est la France qui définit et conduit la politique étrangère de ses colonies, ainsi que leur défense, leur monnaie, leur politique économique et financière, leur politique des matières premières stratégiques, leur justice, leur enseignement supérieur, leur organisation générale des transports extérieurs et communs, ainsi que des télécommunications. Pour l’ancien président ivoirien, « c’est là qu’est l’esprit de la Françafrique ». Et gare à celui qui ne le respecte pas. « J’étais condamné à être attaqué… », dit l’ancien président ivoirien.

Boite noire
Après avoir fait une demande de visite auprès de la CPI, je suis allée voir Laurent Gbagbo le 15 mai 2017 au pénitencier de la CPI à La Haye. L’ancien président, que je n’avais jamais rencontré auparavant, a accepté de me recevoir en tant qu’auteure du livre France Côte d’Ivoire, une histoire tronquée (Vents d’ailleurs, 2015). À la fin de notre entrevue, il m’a donné son accord pour que j’utilise, pour un article, certains des propos qu’il avait tenus au cours de nos trois heures d’échanges. Selon notre accord, j’ai fait relire, avant publication, à l’un de ses proches présent aussi ce 15 mai les passages que j’avais sélectionnés.

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Lorsque l’on fait une demande de visite à la CPI, l’on s’engage préalablement à « ne révéler aucune information aux médias ». Le public a pourtant le droit de savoir ce qui se passe derrière les barreaux du centre de détention de la CPI, cette dernière étant financée par ses États membres, donc par de l’argent public. La France est ainsi le troisième pays qui contribue le plus (après le Japon et l’Allemagne) à son budget, qui a été fixé à 144 587 300 euros pour 2017.

Une fois à la prison de la CPI, où sont actuellement détenues six personnes, il faut franchir plusieurs portes et dispositifs de sécurité. Les consignes : ne rien avoir dans ses poches, hormis quelques pièces de monnaie pour pouvoir éventuellement utiliser un distributeur de boissons, installé dans l’une des salles où se font les visites. Les prisonniers, eux, ne disposent au quotidien que de petits montants pour l’achat de leurs produits tropicaux et pour des appels téléphoniques à leurs proches. La salle où Laurent Gbagbo a été autorisé à me recevoir est un petit réfectoire, où sont installés des canapés, un évier et le fameux distributeur de boissons. J’ai pu aussi apercevoir l’ancien ministre de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, incarcéré depuis mars 2014 et jugé dans le même procès que lui, ainsi que l’Ougandais Dominic Ongwen, en détention depuis janvier 2015 et jugé depuis fin 2016.

Source : Médiapart / Par Fanny Pigeaud / 07/05/2017

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AFRIQUE

GAMBIE – L’ex-Jungler Sanna Manjang inculpé pour deux meurtres

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En Gambie, la justice a formellement inculpé, ce mercredi 3 décembre 2025, Sanna Manjang, ancien membre des redoutés « Junglers », les escadrons de la mort qui opéraient sous le régime de Yahya Jammeh. Considéré depuis plusieurs années comme l’un des fugitifs les plus recherchés du pays, il a été appréhendé au Sénégal le samedi 29 novembre, lors d’une opération conjointe menée avec les autorités gambiennes, avant d’être transféré mardi à Banjul. Il devra désormais répondre du meurtre de deux hommes, des crimes liés à la période la plus sombre de la dictature jammehiste.

Sanna Manjang est poursuivi pour l’assassinat du journaliste de l’AFP, Deyda Haidara, tué en 2004, ainsi que pour celui de l’homme d’affaires Ndongo Mboob, en 2006. À l’époque, il appartenait aux Junglers, une unité paramilitaire chargée d’exécuter les opérations clandestines du régime : intimidations, disparitions forcées, tortures, exécutions extrajudiciaires. Ce groupe avait pour mission d’étouffer toute dissidence sous l’autorité de Yahya Jammeh, qui a dirigé la Gambie d’une main de fer de 1994 à 2017 avant de s’exiler en Guinée équatoriale.

Les conclusions de la Commission « Vérité, réconciliation et réparations » (TRRC) placent d’ailleurs Sanna Manjang au cœur du système répressif. Elles le décrivent comme l’un des exécutants les plus impliqués dans les opérations illégales menées par les Junglers. En 2019, devant cette même commission, l’ex-membre Malick Jatta avait rapporté que Manjang figurait parmi ceux qui avaient tiré sur Deyda Haidara : « Nous avons tiré, moi, Alieu Jeng, un autre Jungler et Sanna Manjang », avait-il affirmé.

Pour l’avocat américain Reed Brody, engagé auprès des victimes de Jammeh, l’arrestation de Manjang pourrait constituer un tournant majeur. S’il coopère avec la justice, son témoignage pourrait fournir des éléments déterminants sur le fonctionnement interne des Junglers et potentiellement accélérer la mise en cause de Yahya Jammeh lui-même.

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AFRIQUE

GUINÉE – Nouveau look, nouvelles ambitions : Doumbouya vise les urnes pour 2025

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C’est la fin d’un suspense qui tenait la scène politique guinéenne en haleine depuis de longs mois. Mamadi Doumbouya a définitivement troqué le silence contre l’action politique en officialisant, ce mardi, sa candidature à l’élection présidentielle de 2025. C’est depuis son quartier général situé à Landréah, dans la commune de Dixinn, que le candidat indépendant a lancé les hostilités, porté par la mouvance « Génération pour la modernité et le développement ».

Ce lancement de campagne a été marqué par une transformation visuelle symbolique et soigneusement orchestrée. Loin de l’image austère du militaire, Mamadi Doumbouya est apparu vêtu d’un maillot de football floqué « Mamadi Doumbouya Président 2025 » et d’une casquette. Détail frappant qui n’a échappé à personne : l’absence de ses lunettes noires habituelles, un choix de style suggérant une volonté de transparence et de proximité avec le peuple pour cette nouvelle étape civile.

Dans son discours inaugural, largement relayé sur les réseaux sociaux, le candidat sortant a misé sur la continuité. Il a vigoureusement défendu le bilan de ses quatre années à la tête de la Guinée, égrenant les réussites de sa gouvernance. Des réformes dans le secteur minier à la construction d’infrastructures routières, en passant par les améliorations dans l’éducation et la santé, Doumbouya présente son action comme un socle solide pour l’avenir.

La course à la présidence s’annonce toutefois disputée. Mamadi Doumbouya devra faire face à huit autres prétendants, dont une figure notable : l’ancien ministre Abdoulaye Yéro Baldé, candidat du Frondeg. Conscient de l’enjeu, le couple Doumbouya semble prêt à battre le pavé. Les images du lancement montrent le candidat aux côtés de son épouse, Lauriane Doumbouya, elle aussi en tenue de campagne. Une stratégie de communication rodée qui annonce une nouvelle phase offensive : aller au contact direct des électeurs pour détailler un programme de société ambitieux.

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GUINÉE-BISSAU – Matériel détruit, PV confisqués : le processus électoral s’effondre

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En Guinée-Bissau, le processus électoral issu du double scrutin du 23 novembre 2025 est désormais totalement paralysé. La commission électorale affirme qu’elle est incapable de publier le moindre résultat, non pas par manque de données, mais parce que tout ce qui permettait de compiler et vérifier les votes a été détruit lors du coup d’État du 26 novembre.

Mardi 2 décembre, Idriça Djalo, secrétaire exécutif adjoint de la commission électorale, a expliqué qu’aucun procès-verbal n’a pu être sauvé. Selon lui, les conditions « logistiques et matérielles » nécessaires à la proclamation des résultats n’existent plus. Pendant l’attaque, des hommes armés, masqués, ont fait irruption dans la salle où se déroulait la compilation. Ils ont terrorisé les 45 agents présents, confisqué leurs téléphones et détruit tout le matériel, y compris le serveur principal. Même les procès-verbaux provenant des régions d’Oio et Cacheu ont été interceptés pendant leur transfert et saisis par d’autres groupes armés.

Ce coup de force met un arrêt brutal au processus électoral qui s’apprêtait à livrer ses résultats. Le lendemain devait être annoncé le vainqueur de la présidentielle. À la place, les militaires ont renversé le président sortant Umaro Sissoco Embalo et suspendu tout le processus. Depuis, ils ont installé un pouvoir de transition dirigé par le général Horta N’Tam pour une durée annoncée d’un an.

Face à cette situation, une délégation de la CEDEAO s’est rendue à Bissau afin d’évaluer la possibilité d’une reprise du processus. La réponse de la commission a été catégorique : il est impossible de publier des résultats qui n’existent plus. L’organisation régionale, qui condamne le coup d’État, demande le rétablissement de l’ordre constitutionnel, mais la réalité sur le terrain montre un pays plongé dans l’incertitude totale.

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