CULTURE
COTE D’IVOIRE : Aminata Traoré : « J’ai voulu partager ma douleur, ma révolte et mon espoir !»

Aminata Traoré, plus connue sous son nom de plume Hamitraore est auteure de deux romans. « Le couteau brûlant » publié en 2012 par Frat-Mat Édition et « Cachée derrière le mur », publié en 2016 par les éditions Harmattan. Après des études universitaires en lettres modernes, Hamitraoré s’est tournée vers l’humanitaire en œuvrant dans des organisations non gouvernementales nationales et internationales. Elle est aujourd’hui présidente de la Fondation GNITRESOR, qui a pour but de mobiliser des ressources afin d’organiser des conférences en milieu scolaire autour du concept « le livre comme moyen de sensibilisation ». Notre invitée est très engagée dans la lutte contre l’excision.
Ze-Africanews : Votre première œuvre, Le couteau brulant, a pour thème, l’excision… Une pratique dont vous avez été victime, comme plus de 38% des femmes ivoiriennes en 2016, d’après les chiffres de la ministre de la Promotion de la femme, de la famille et de la protection de l’enfant. Comment peut-on expliquer ce pourcentage, malgré toutes les campagnes de sensibilisation ?
Aminata Traoré : Les changements de mentalité se font toujours à long terme. Certes, le pourcentage est alarmant, cependant il faut saluer toutes les initiatives du ministère de la Femme et de la protection de l’Enfance, du système des Nations-Unis, des ONGs nationales et internationales visant à mettre un terme à cette pratique. Aujourd’hui, l’excision n’est plus un sujet tabou. Les communautés ont organisé des cérémonies de dépôts de couteaux grâce aux informations et aux formations reçues sur la pratique. Restons optimistes, je sais que d’ici à 2020 nous y arriverons.

Aminata Traoré, écrivaine et présidente de la Fondation GNITRESOR
Vous avez-vous-même été victime de cette pratique. Qu’est-ce qui vous a décidé à raconter votre expérience dans votre livre, « Le couteau brûlant » ?
J’ai l’habitude de dire que je ne suis pas fière d’être une victime mais je suis fière d’avoir eu le courage de briser le mur du silence. Car rompre le silence en témoignant est un grand début de guérison. En publiant cette œuvre, j’ai voulu partager ma douleur, ma révolte et mon espoir. Et si ce témoignage peut sauver ne serait qu’une fille, j’aurais gagné une bataille. Cette œuvre nous plonge dans l’univers des mutilations génitales féminines, c’est-à-dire l’avant, pendant et l’après de cette pratique. J’ai passé en revue les conséquences psychologiques et physiques. J’invite les uns et les autres à lire « le couteau brûlant ».
Vous ne vous contentez pas d’écrire, vous allez également à la rencontre des populations, des élèves notamment, pour les sensibiliser ?
Il faut donner la parole aussi aux enfants qui sont la tranche la plus touchée par la pratique. Si les élèves sont informés, ils peuvent susciter des discussions au sein de l’école et dans leur famille et devenir des pairs éducateurs. A travers la fondation et l’appui des partenaires, nous avons pu animer des conférences et faire des dons d’exemplaires du roman « le couteau brûlant » aux bibliothèques des établissements visités.
Que pensez-vous de la décision du gouvernement de passer à la répression avec l’application effective de la loi portant interdiction de la mutilation génitale féminine ? Avez-vous foi que cela pourrait aider à lutter plus efficacement contre cette pratique ?
La loi contre la pratique a été votée depuis 1998 mais il a fallu attendre 2012 pour voir les premières condamnations. Je suis pour la répression. Car c’est aussi une mesure de dissuasion. Mais d’abord il faut intensifier la sensibilisation de masse et de proximité. Impliquer la presse écrite, les leaders communautaires et religieux. Si chacun joue son rôle, j’ai foi que nous allons mettre un terme à cette pratique.
A LA UNE
TCHAD – Kadeux, phénomène viral ou la dynamique de partage

Nous avons presque tous découvert Kadeux sur TikTok en 2023 avec “Ayé han”. On était tombé sous le charme de ce jeune rappeur tchadien. Pourtant, il n’a que vingt-et-un ans. Malgré cet âge – âge souvent associé à l’insouciance juvénile –, ses mots, empreints d’humilité, tapent toujours dans la mille. En effet, il y résonne un flow tranchant, surtout lorsqu’il se met à décrire la difficile condition de vie des laissés-pour-compte. Mais pas seulement : il met aussi dans sa musique une sincérité et une modestie qui vont droit au cœur. Depuis son carton sur TikTok, l’artiste ne cesse de prendre de l’épaisseur. Kadeux, phénomène viral ou la dynamique du partage
Kadeux, un phénomène viral
Dans l’univers musical tchadien, un nom se détache aujourd’hui comme une poussière luminescente, avec éclat : Kadeux. Ceux qui pensaient que sa notoriété, propulsée par internet et les réseaux sociaux, n’allait pas faire long feu, se sont trompés. L’engouement ne s’est pas estompé et, sa fanbase ne fait que s’élargir. Né en 2003, à Koundoul au Tchad, Kadeux, de son vrai nom Kamal Borgoto, a réussi à hisser le rap tchadien sur la scène musicale internationale. Grâce à un savant mélange de sonorités locales – utilisation des dialectes tchadiens – et de musique contemporaine, il a créé un style unique et authentique qui résonne bien au-delà des frontières de son pays natal. Bien que sa carrière ait véritablement débuté 2023, Kadeux, rappelons-le, a pris le temps d’apprendre des groupes comme “Sexion d’Assaut” et plusieurs artistes internationaux. Son premier single “Ayé han” fait un carton, avec plus de 100 000 vues sur YouTube et 27 millions de vues sur TikTok. Un record pour un artiste tchadien. Il enchaîne avec “Biney”, une chanson engagée contre l’argent facile et les dérives de la société. Cette chanson franchit rapidement la barre des 200 000 vues sur YouTube. Puis vient “SAME SAME”, un hymne à la résilience et à l’espoir, qui reflète l’état d’esprit combatif et optimiste de la jeunesse tchadienne.
Kadeux, un artiste ancré dans l’authenticité
Kadeux se distingue par son utilisation des dialectes tchadiens qu’il manie avec une grande aisance. Aussi, cela donne à ses textes une puissance émotionnelle et une authenticité rare qui font de lui un artiste original. Son style musical engagé, teinté de sarcasme, est une plongée en apnée dès les premières notes, dans le marécage des maux de la société. Ses analyses sociales d’une finesse inouïe captent immédiatement l’attention du public. Lors des grands événements musicaux, aussi bien au Tchad que dans la sous-région, Kadeux fait partie des artistes à inviter. En effet, il sait mettre le feu à la scène, échauffer le public. Au nombre de ses performances marquantes, ces deux dernières années, nous pouvons évoquer la “fête de la musique à N’Djamena” (juin 2023), le “festival Afrobeat International au Burkina Faso”, une prestation en Côte d’Ivoire, au “FEMUCO”, une série de concerts aux côtés du rappeur ivoirien Didi B à N’Djamena et une tournée au Cameroun (Yaoundé, Douala, Ngaoundéré, Dschang…)
Fierté tchadienne
Malgré son jeune âge et sa carrière encore naissante, Kadeux, qui accumule déjà des multiples récompenses tant au Tchad qu’à l’international, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. À ses ambitions musicales, il a greffé deux rêves : lancer sa propre marque de vêtements et créer un studio de production. En 2024, au micro de RFI, l’artiste confie : “Je veux que ma musique soit un pont entre les générations, une voix pour ceux qui n’en ont pas, et une source d’inspiration pour la jeunesse tchadienne”. Avec son charisme, son authenticité et son talent brut, il y a des chances que le souhait de Kadeux se réalise : porter la culture tchadienne sur la scène internationale et faire entendre la voix des laissés-pour-compte.

A LA UNE
MALI – Nana Menthe en concert au Pan Pipper, un show intense sur des notes mandingues

Le 15 février 2025, lors de la ‘‘Nuit du Mandé’’, Nana Menthe Kouyaté donnait un show d’une puissance hors norme au Pan Pipper à Paris. Lors de ce concert organisé par Afrik’Consult et Doums Production, c’était l’occasion pour cette diva de la musique mandingue de présenter au public son nouvel album ‘‘Karan’’ (2024).
Un show intense
C’est sous les regards d’armée de projecteurs lumino-fluorescent que Nana, en robe de soirée sirène dentelle rouge, fait son entrée sur la scène. Le bassiste est en hauteur par rapport aux musiciens qui tiennent les guitares et le tam-tams et le n’goni. Une danse sapée comme une chanteuse disco des années 80 attend que Nana donne le la. Le décor est sublime. Reste plus que le spectacle. Sol-ré-do ! Nana, celle qu’on surnomme ‘‘l’oiseau rare’’. Tour à tour, Nana visite son répertoire, depuis N’Toutadon jusqu’à Karan son dernier album. Elle avait à ses côtés des artistes de renom comme Adja Soumano, Pedro Kouyaté, Liberté Kanté, Amadou Sodia et bien d’autres artistes invités.
Nana, la voix du mandingue
Fille du virtuose de la kora Batrou Sékou Kouyaté, Nana Kouyaté, comme le suggère son nom, est une griotte. Née à Abidjan en 1988, elle grandit à Bamako. Bien que griotte, son père voyait d’un mauvais œil que sa fille fasse de la musique. Cependant, avec l’aide de sa mère, elle brave cet interdit et s’illustre, déjà à son jeune âge avec sa voix de contralto léger, un tantinet porté vers le mezzo-soprano dramatique comme Oumou Sangaré ou Coumba Gawlo ou même Fanta Damba, Nana rivalise, par la voix, avec les divas mandingue. En 2005, elle embarque pour Paris et s’y installe. Par la suite, elle va collaborer avec des légendes comme Salif Keita, Papa Wemba, Oumou Sangaré et Amadou et Mariam. Désormais, elle fait entendre sa voix par le biais de la musique. En 2024, elle a sorti un nouvel album intitulé ‘‘Karan’’.
Karan, ou les bénéfices de l’éducation
Karan, signifiant « éducation » en bambara, est un album de 11 titres qui résonne comme un manifeste pour la transmission des valeurs et la perpétuité des traditions. Nana Menthe y aborde des thèmes universels tels que l’amour, la paix, l’unité africaine et la lutte contre les violences faites aux femmes, dans une fusion subtile entre sonorités traditionnelles et influences contemporaines.
Karan, quelques morceaux choisis
Avec ces onze titres, évocateurs et engagés, Nana explore les réalités profondes de la société où chaque morceau est une fresque sonore. Tandis qu’ “Acapelle” lève le voile sur les tumultes du mariage, en dévoilant les attentes et les désillusions qui l’accompagnent. “Denmbalou”, en collaboration avec Alune Wade, Guimba Kouyaté et Paco Sery, raconte, pat contre, avec émotion les défis de la maternité et les angoisses d’une mère face à l’éducation de son enfant. Ensuite, l’hommage vibrant à Cheikh Ahmadou Bamba célèbre l’héritage spirituel d’un grand soufi. Et puis il y a le titre phare : “Karan”, titre phare de l’album, exalte les vertus de l’éducation comme pilier de l’émancipation personnelle et du développement national. “Rien n’est au-dessus de l’éducation”, dit l’artiste, soulignant son rôle central, même dans les parcours migratoires où elle devient un passeport pour l’intégration. En attendant, le public se prépare avec ferveur à la prochaine performance de Nana, prévue à Orléans le 25 mars 2025.
A LA UNE
Alune Wade : “Boogie & Juju”, un swing transatlantique de Lagos à la Nouvelle-Orléans

Quand Alune Wade pose ses doigts sur sa guitare basse, c’est tout un héritage qui résonne. Le 14 mars 2025, sur les plateformes de streaming, ce virtuose du groove a dévoilé “Boogie & Juju”, un nouveau titre extrait de son prochain album “New African Orleans”, attendu le 2 mai. À travers cette œuvre, le jazzman sénégalais nous embarque dans un jam session transatlantique, entre les syncopes chaloupées de La Nouvelle-Orléans et les polyrythmies vibrantes du Nigéria.
Un voyage en blue note
Avec “New African Orleans”, Alune Wade ne se contente pas de revisiter les standards du jazz, il les réinvente en leur insufflant un souffle nouveau, où l’Afrique et l’Amérique se répondent dans un dialogue musical intemporel. Dans chaque album, il concocte un groove cotonneux amorti par une voix chaude qui brille comme un soleil de midi. Cet ancien complice d’Aziz Sahmaoui et disciple d’Ismaël Lô a enregistré son album entre Lagos, Saint-Louis du Sénégal et La Nouvelle-Orléans. Par-là, il renoue ainsi avec l’essence même du jazz : une musique d’échange et de métissage. “Boogie & Juju” est une jam brûlante où se croisent le boogie-woogie de Louisiane, le juju music nigérian et les rythmes Assiko du Cameroun. Un riff hypnotique, des percussions qui swinguent avec une aisance déconcertante et une ligne de basse qui slappe comme un cœur battant. Dans ce morceau, tout évoque la transe d’un club enfumé où l’on improvise jusqu’à l’aube.
Congo Square en toile de fond
Comme un clin d’œil à cette mémoire musicale, “New African Orleans” fait référence à Congo Square, ce lieu emblématique où les esclaves affranchis et captifs se retrouvaient autrefois pour jouer, chanter et danser. J’imagine l’extase. Dans cet album, ce sera la célébration des liens indéfectibles entre les deux rives de l’Atlantique. En effet, Wade chante l’universalité des traditions culinaires (Same Foufou), l’hospitalité des peuples (Three Baobabs) et la dureté du voyage (Taxi Driver). Et comme si cela ne suffisait pas, il rend hommage à l’un des parrains du blues louisianais, le regretté Dr. John, en reprenant “Gris-Gris Gumbo Ya Ya” dans une version afrobeat hypnotique.
Une setlist en bebop et afrobeat
Alune Wade est un maître de l’improvisation et de l’hybridation. Sur ce sixième album, il pose sa voix sur des standards revisités avec une rare audace : une version chantée en wolof de “Voodoo Child” de Jimi Hendrix, un “Water No Get Enemy” de Fela Kuti ralenti à la manière d’un blues poisseux, et un hommage enflammé à Herbie Hancock avec un Watermelon Man en mode jazz-hop. Passé par les scènes du monde entier et compagnon de route de légendes comme Salif Keita, Oumou Sangaré, Joe Zawinul ou Marcus Miller, Wade continue de tracer son propre chemin, entre tradition et avant-garde. Une sorte de Duke Ellington du XXIe siècle qui navigue sans complexe entre afrobeat, highlife et jazz modal.
Sur scène, un live aux allures de big band
Pour les amateurs de live, Alune Wade ne se contente pas d’être un musicien de studio hors pair : c’est un showman à l’énergie contagieuse. Son jazz-fusion, teinté d’afro-groove et de funk, promet des concerts brûlants où le public se laisse emporter dans une jam session endiablée. Plusieurs dates sont annoncées dans une série de concerts qui débute le 1er avril au Rocher de Palmer, à Cenon pour prendre fin le 11 juillet à Marseille au Jazz des Cinq Continents. Avec ce nouvel album, Alune Wade signe ici une œuvre vibrante, une passerelle entre deux continents, où le jazz continue de réinventer son langage. Cet album, avec son souffle chaud du bayou et son parfum des nuits africaines, va marquer les esprits.
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