AFRIQUE DE L’OUEST
SENEGAL : A coeur ouvert avec Amsatou Sow Sidibé.
Docteur en Droit, première agrégée de droit, mère de famille, activiste, actrice du monde politique, Amsatou Sow Sidibé ne passe pas inaperçu sur le paysage national sénégalais. Avocate mais surtout celle des femmes et des enfants, un statut qui sonne comme une préméditation. Patriote, très active pour le changement de son pays, elle n’a hésité à aucun moment de monter sur le tatamis politique. Elle a occupé le poste de ministre conseillée avec le changement de régime en 2012. Entretien.
Vous êtes, la première agrégée de droit au Sénégal, comment s’est passée cette agrégation et que cela signifie-t-elle pour vous?
Ça n’a pas été facile. En Afrique une femme mariée et mère de famille fait face à de multiples sollicitations. Or, l’agrégation qui est le plus haut diplôme (sur concours) organisé par les universités francophones nécessite une préparation sérieuse et soutenue. C’est un concours difficile. J’ai passé mon doctorat d’Etat es sciences juridiques en 1987 et j’ai réussi à l’agrégation (CAMES) en 1993, au Bénin. Le concours d’agrégation est organisé par le Conseil Africain Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES). Le jury international chargé de faire l’évaluation des candidats fait appel à d’éminents représentants des communautés universitaires des pays membres du CAMES et des pays partenaires au rang desquels figurent la France, la Belgique, le Maroc, la Tunisie etc.… Le concours d’agrégation vise à doter les institutions d’enseignement supérieur, d’enseignants et chercheurs qualifiés, en aménageant des voies courtes pour l’accès au corps des Maîtres de Conférence. Ce concours ouvert aux docteurs en droit, contribue au relèvement de la qualité de l’enseignement et de la recherche dans nos universités.
Pendant plus de trente ans, vous avez œuvré pour la défense des droits de la femme et des enfants, pourquoi cette lutte est nécessaire pour vous ?
Je suis une activiste dans la promotion et la défense des droits humains. Les femmes et les enfants font partie des couches vulnérables de la société. Il faut briser la conspiration du silence autour de la violation permanente de leurs droits. Ce sont des personnes humaines qui méritent que leurs droits les plus élémentaires soient respectés. De plus, défendre les femmes et les enfants, c’est défendre les familles et la société toute entière. Les femmes constituent l’épine dorsale des familles, elles sont des leviers importants du développement économique et jouent un rôle essentiel pour la prévention, la résolution des conflits et la consolidation de la paix. Elles sont donc source d’équilibre et de paix dans les familles et la société toute entière. Quant aux enfants, non seulement ils n’ont pas choisi de naître, mais encore, ils sont des personnes humaines à part entière, mais vulnérables et sont les adultes de demain. Il est de l’intérêt de tous et toutes de veiller à leur développement harmonieux.
Vous avez été l’initiatrice de la Loi sur les violences faites aux femmes et de la Loi sur la santé de la reproduction, dites nous de quoi s’agit-il et comment cela s’est opéré ?
Au Sénégal, la loi du 24 janvier 1999 modifiant le code pénal et qui réprime sévèrement les violences faites aux femmes a été effectivement largement inspirée de travaux que j’ai menés et qui ont porté sur les violences faites aux femmes en général et sur l’excision en particulier. Les propositions de solution que j’ai suggérées ont largement inspiré la loi de 1999. Concernant la santé de la reproduction, je fais partie des rédacteurs de la loi type sur la santé sexuelle et de la reproduction et planification adoptée à Abidjan en juin 1999 par le Forum des parlementaires arabes et africains sur la population et le développement (FPAAPD) tendant à contribuer à l’harmonisation des législations sur la santé de la reproduction en Afrique de l’ouest et de la loi sénégalaise. La loi sénégalaise du 05 août 2005, relative à la santé de la reproduction vise à améliorer la santé de la reproduction des populations et en particulier celle des femmes. Vous savez, que j’inspire des lois, c’est tout à fait normal. Je suis professeur de droit. Mes travaux participent à la doctrine qui inspire les règles de droit et la jurisprudence. J’ai inspiré d’autres loi : sur le VIH/SIDA, sur la parité notamment.
La Loi sur la parité fait aussi parti de vos pierres de lance, qu’elle ont été les actions menées dans ce sens et pourquoi c’est nécessaire cette parité Homme-Femme selon vous ?
C’est dans mon bureau (en mars 2007) qu’est née l’idée de faire une loi sur la parité. C’était à l’occasion d’une rencontre avec ma collègue Fatou Kiné Camara qui a également joué un rôle fondamental dans l’adoption de cette loi. J’ai rédigé la première mouture de la loi sur la parité en collaboration avec des collègues hommes de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAD. J’ai également participé à la marche du 23 mars 2007 vers le Palais de la République pour la remise ay Chef de l’Etat du premier modèle de loi sur la parité.
Le terrain social ne vous est pas inconnu. Vous également beaucoup œuvrez dans le social tout en dirigeant le Réseau Africain pour le Promotion de la Femme Travailleuse, quelles ont été les actions menées ?
Je suis la présidente du Réseau Africain pour la Promotion des Femmes Travailleuses (RAFET). Le RAFET œuvre pour la promotion et la protection des femmes travailleuses donc de toutes les femmes, puisque, selon la vision du BIT, toute femme est travailleuse. Nous travaillons au renforcement des capacités des femmes par la formation, l’alphabétisation, la sensibilisation. Nous œuvrons pour l’autonomisation des femmes en particulier au plan économique et financier, par la formation et par l’octroi de microcrédits à celles qui mènent dans les activités génératrices de revenus. Par ailleurs, je m’active dans la médiation sociale, par exemple au profit des femmes d’AFRICAMER qui sont allées en grève de la faim pendant 40 jours pour n’avoir pas perçu 49 mois de salaire. A cette occasion, le RAFET a mené des négociations pour amener les travailleuses à arrêter le grève de la faim et les accompagner dans leur lutte. En outre, l’organisation « SOS droit à l’éducation » que j’ai créée en 2007 a sauvé le Sénégal d’une année blanche (en 2007). Je suis également active dans la médiation pour la paix en Casamance, notamment avec les femmes pour la paix en Casamance, dirigée par Mme Thiam Ndèye Marie Diédhiou.
La défense des droits, la parité, le social, quelle est votre sources d’énergie. Etes-vous une baroudeuse acharnée ?
Ma source d’énergie, c’est ma volonté farouche de participer à la réalisation d’un monde plus juste, plus solidaire, plus paisible, plus équilibré et plus harmonieux.
Le 26 février 2011, vous avez été investie à la présidence par le parti pour la démocratie et la citoyenneté (PDC), vous mettez ainsi les pieds dans la scène politique sénégalaise, comment avez-vous reçu cette investiture de la part de vos partisans ?
Les partisans attendaient avec impatience cet acte depuis longtemps. Ils l’ont reçu avec beaucoup d’enthousiasme.
Vous partez à l’élection. Vous enregistrez un score de 0,19 % au premier tour, quelle expérience et quelle leçon avez-vous tiré de votre première participation à la présidentielle ?
Les chiffres sont bas. Je suis 12ème sur 14 candidats. Néanmoins, cette participation est riche de par sa portée. Nous avons ouvert une porte qui était jusqu’ici était hermétiquement fermée : celle de la candidature des femmes à l’élection présidentielle. Ce faisant, nous avons fait monter d’un cran le leadership féminin. Il fallait avoir cette audace. Rien ne sera plus comme avant. Les femmes oseront et le peuple mettra dans sa conscience que c’est possible. La campagne que j’ai menée a montré que les femmes avaient une sensibilité favorable à l’épanouissement de l’être humain. Et je voudrais insister sur le rôle que j’ai pu jouer pour que le Sénégal ne bascule pas dans le chaos. J’ai dit non aux violences, j’ai dit non au renvoi des élections pour éviter le spectre de la Côte d’Ivoire où les élections repoussées aux calendes grecques n’ont pu se tenir qu’au bout de 10 ans, avec une guerre civile aux conséquences dramatiques.
Aujourd’hui, vous êtes nommée ministre-conseiller du président Macky Sall suite à l’élection présidentielle, comment appréhendez-vous cette nouvelle responsabilité ?
Avec beaucoup de sérénité et l’envie de l’accompagner positivement dans sa mission. Je suis consciente de la lourdeur de la responsabilité. Je souhaite l’assumer avec courage, abnégation et compétence.
Suite à cette nomination, vous avez affirmé que votre collaboration avec le régime ne vous empêchera pas de dire la vérité à Macky Sall, le chef de l’Etat sénégalais.
Un conseiller doit être honnête pour mériter la confiance du Chef de l’Etat qui prône la transparence. Mentir au Président c’est participer à la rupture du contrat qui le lie au peuple. Voilà pourquoi la vérité, rien que la vérité, toute la vérité doit triompher.
Vous êtes le leader de Car/Leneen, et vous avez fait partie du mouvement M23, qui demandait un changement de régime immédiat, avant et durant les élections quel rôle a joué ce mouvement ?
CAR LENEEN a été de tous les combats du M 23, de la société civile, des patriotes, du peuple. Nous avons investi la place de l’Obélisque pour réclamer le respect de la constitution qui ne permettait pas au Président sortant Maître Abdoulaye Wade de briguer un 3ème mandat. Nous avons saisi le Conseil Constitutionnel pour demander l’invalidation de sa décision d’investir Maître Abdoulaye Wade sur la liste des candidats. CAR LENEEN a été au début et à la fin de tous les combats et fait partie des acteurs de la nouvelle alternance.
Une femme présidente du Sénégal pensez-vous que c’est encore possible dans les années à venir ?
Pourquoi pas ? Si c’est possible ailleurs, même tout prêt de nous au Libéria, avec Mme Hélène Johnson Shirley, ça doit être également possible en Afrique francophone et spécialement au Sénégal. Il y a des femmes qui ont le savoir, le savoir faire et le savoir être et qui peuvent jouer le rôle de Président de la République. Pour ma part, je suis Ministre Conseiller du Président de la République, je suis à sa disposition et refuse d’être déconcentrée par rapport à mon travail e à ma mission. Je serai fidèle et loyale.
Docteur en droit privé, première agrégée, mère de famille, la politique est-il pour vous un prolongement de combat ?
C’est une suite naturelle. C’est un complément de combat par la prise de décision, l’orientation. En mettant les pieds dans la politique, je mets par la même occasion mon expérience de plusieurs décennies au profit des peuples. Mon combat politique est légitime et utile. Le maître mot, c’est l’utilité. C’est le leadership conjugué au féminin.
Dernière question : Vous dormez quand ?
Ça dépend, parfois tôt, parfois tard. Mais il m’arrive de me réveiller la nuit pour écrire et envoyer des SMS. A un certain stade, le sommeil est perturbée.
Ze-Africanews.
AFRIQUE
GAMBIE – L’ex-Jungler Sanna Manjang inculpé pour deux meurtres
En Gambie, la justice a formellement inculpé, ce mercredi 3 décembre 2025, Sanna Manjang, ancien membre des redoutés « Junglers », les escadrons de la mort qui opéraient sous le régime de Yahya Jammeh. Considéré depuis plusieurs années comme l’un des fugitifs les plus recherchés du pays, il a été appréhendé au Sénégal le samedi 29 novembre, lors d’une opération conjointe menée avec les autorités gambiennes, avant d’être transféré mardi à Banjul. Il devra désormais répondre du meurtre de deux hommes, des crimes liés à la période la plus sombre de la dictature jammehiste.
Sanna Manjang est poursuivi pour l’assassinat du journaliste de l’AFP, Deyda Haidara, tué en 2004, ainsi que pour celui de l’homme d’affaires Ndongo Mboob, en 2006. À l’époque, il appartenait aux Junglers, une unité paramilitaire chargée d’exécuter les opérations clandestines du régime : intimidations, disparitions forcées, tortures, exécutions extrajudiciaires. Ce groupe avait pour mission d’étouffer toute dissidence sous l’autorité de Yahya Jammeh, qui a dirigé la Gambie d’une main de fer de 1994 à 2017 avant de s’exiler en Guinée équatoriale.
Les conclusions de la Commission « Vérité, réconciliation et réparations » (TRRC) placent d’ailleurs Sanna Manjang au cœur du système répressif. Elles le décrivent comme l’un des exécutants les plus impliqués dans les opérations illégales menées par les Junglers. En 2019, devant cette même commission, l’ex-membre Malick Jatta avait rapporté que Manjang figurait parmi ceux qui avaient tiré sur Deyda Haidara : « Nous avons tiré, moi, Alieu Jeng, un autre Jungler et Sanna Manjang », avait-il affirmé.
Pour l’avocat américain Reed Brody, engagé auprès des victimes de Jammeh, l’arrestation de Manjang pourrait constituer un tournant majeur. S’il coopère avec la justice, son témoignage pourrait fournir des éléments déterminants sur le fonctionnement interne des Junglers et potentiellement accélérer la mise en cause de Yahya Jammeh lui-même.
AFRIQUE
GUINÉE – Nouveau look, nouvelles ambitions : Doumbouya vise les urnes pour 2025
C’est la fin d’un suspense qui tenait la scène politique guinéenne en haleine depuis de longs mois. Mamadi Doumbouya a définitivement troqué le silence contre l’action politique en officialisant, ce mardi, sa candidature à l’élection présidentielle de 2025. C’est depuis son quartier général situé à Landréah, dans la commune de Dixinn, que le candidat indépendant a lancé les hostilités, porté par la mouvance « Génération pour la modernité et le développement ».
Ce lancement de campagne a été marqué par une transformation visuelle symbolique et soigneusement orchestrée. Loin de l’image austère du militaire, Mamadi Doumbouya est apparu vêtu d’un maillot de football floqué « Mamadi Doumbouya Président 2025 » et d’une casquette. Détail frappant qui n’a échappé à personne : l’absence de ses lunettes noires habituelles, un choix de style suggérant une volonté de transparence et de proximité avec le peuple pour cette nouvelle étape civile.
Dans son discours inaugural, largement relayé sur les réseaux sociaux, le candidat sortant a misé sur la continuité. Il a vigoureusement défendu le bilan de ses quatre années à la tête de la Guinée, égrenant les réussites de sa gouvernance. Des réformes dans le secteur minier à la construction d’infrastructures routières, en passant par les améliorations dans l’éducation et la santé, Doumbouya présente son action comme un socle solide pour l’avenir.
La course à la présidence s’annonce toutefois disputée. Mamadi Doumbouya devra faire face à huit autres prétendants, dont une figure notable : l’ancien ministre Abdoulaye Yéro Baldé, candidat du Frondeg. Conscient de l’enjeu, le couple Doumbouya semble prêt à battre le pavé. Les images du lancement montrent le candidat aux côtés de son épouse, Lauriane Doumbouya, elle aussi en tenue de campagne. Une stratégie de communication rodée qui annonce une nouvelle phase offensive : aller au contact direct des électeurs pour détailler un programme de société ambitieux.
AFRIQUE
GUINÉE-BISSAU – Matériel détruit, PV confisqués : le processus électoral s’effondre
En Guinée-Bissau, le processus électoral issu du double scrutin du 23 novembre 2025 est désormais totalement paralysé. La commission électorale affirme qu’elle est incapable de publier le moindre résultat, non pas par manque de données, mais parce que tout ce qui permettait de compiler et vérifier les votes a été détruit lors du coup d’État du 26 novembre.
Mardi 2 décembre, Idriça Djalo, secrétaire exécutif adjoint de la commission électorale, a expliqué qu’aucun procès-verbal n’a pu être sauvé. Selon lui, les conditions « logistiques et matérielles » nécessaires à la proclamation des résultats n’existent plus. Pendant l’attaque, des hommes armés, masqués, ont fait irruption dans la salle où se déroulait la compilation. Ils ont terrorisé les 45 agents présents, confisqué leurs téléphones et détruit tout le matériel, y compris le serveur principal. Même les procès-verbaux provenant des régions d’Oio et Cacheu ont été interceptés pendant leur transfert et saisis par d’autres groupes armés.
Ce coup de force met un arrêt brutal au processus électoral qui s’apprêtait à livrer ses résultats. Le lendemain devait être annoncé le vainqueur de la présidentielle. À la place, les militaires ont renversé le président sortant Umaro Sissoco Embalo et suspendu tout le processus. Depuis, ils ont installé un pouvoir de transition dirigé par le général Horta N’Tam pour une durée annoncée d’un an.
Face à cette situation, une délégation de la CEDEAO s’est rendue à Bissau afin d’évaluer la possibilité d’une reprise du processus. La réponse de la commission a été catégorique : il est impossible de publier des résultats qui n’existent plus. L’organisation régionale, qui condamne le coup d’État, demande le rétablissement de l’ordre constitutionnel, mais la réalité sur le terrain montre un pays plongé dans l’incertitude totale.
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