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SENEGAL : Ndary Lô : le génie daptaïste s’est éteint.

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Cheikh Anta Diop dans « Nations nègres et culture » écrit : « Un artiste qui posera le problème social dans son art sans ambiguïté, d’une façon propre à secouer la conscience léthargique ; l’artiste qui se posera au cœur du réel, pour aider son peuple à découvrir celui-ci ; l’artiste qui saura exécuter des œuvres nobles dans le but d’inspirer un idéal de grandeur à son peuple, qu’il soit poète, musicien, sculpteur, peintre ou architecte, est l’homme qui répond, dans la mesure de ses dons, aux nécessités de son époque et aux problèmes qui se posent au sein de son peuple ».

S’il a un artiste qui répond à cet appel du savant sénégalais, c’est certainement Ndary Lô. Seul artiste à avoir remporté deux fois le Grand Prix Léopold Sédar Senghor de la Biennale de Dakar en 2002 avec « La longue marche du changement » et en 2008 avec « La grande muraille verte », le sculpteur sénégalais, Ndary Lô, décédé le jeudi 08 juin 2017 à Lyon en France, était très engagé et savait parler à son peuple. Il était l’un des artistes les plus talentueux de sa génération. Avec des œuvres exceptionnelles telles que les « Marcheurs » (2000-2001), les longues silhouettes métalliques filiformes ou les femmes élancées comme « Femme debout » (2006), les ventres en ferrailles remplis de têtes de poupées comme dans les « Échographies » (1999), « La prière universelle » (2002), « Le refus de Rosa Park » (2006), il laisse derrière lui une œuvre incommensurable et un message de paix et d’unité à l’humanité tout entière. Ndary avait le talent, la sagesse et la simplicité des grands artistes.

« Le métal et lui, c’est comme une relation d’amour. C’est peut-être pour cela qu’il peut le manipuler comme il veut et dans toutes les dimensions. Il lui donne une seconde vie. »

Adepte du « daptaïsme », mot qu’il a créé lui-même et qu’il définit comme un principe philosophique et artistique prônant la faculté de s’adapter à tout et en toute circonstance, il aimait à dire que, pour lui, « tout est prétexte à la création ». Il ramasse et entasse des objets récupérés qu’il recycle pour en faire des œuvres d’art.

L’incompris, Métal soudé, poupées, divers, 273cm, 1999

Ces objets récupérés racontent des histoires. Il donne un autre pouvoir, une autre utilité à un matériau qui a déjà servi. Outre le fer, qui est sa matière de prédilection, il utilise divers matériaux de récupération : os, bois, tissus, fer, filets, plastique, pour les métamorphoser en figures surprenantes comme dans « L’Incompris » (1999).

Cette œuvre montre un personnage fabriqué avec le fer comme matériau de base, des poupées à l’intérieur de la tête, des morceaux de tissus autour du corps. Sa tête est tellement lourde qu’elle la porte à deux mains. L’artiste essaie de représenter ce qui peut se passer à l’intérieur d’une tête humaine.

L’Os de mes ancêtres, os, fer, fibres, 4 sculptures, 8 récipients en fer et 1 en bois, 2005

Le Le métal et lui, c’est comme une relation d’amour. C’est peut-être pour cela qu’il peut le manipuler comme il veut et dans toutes les dimensions. Il lui donne une seconde vie. Dans « Les Os de mes ancêtres » (2005), il met le fer et l’os ensemble. C’est parce que le souvenir qu’il a de l’esclave, c’est le contraste qu’il y a eu entre le fer de la chaine et l’os de l’esclave. Il a trouvé des os à Gorée. Il savait qu’ils provenaient des restaurants de l’Ile, mais il s’est approprié ces os pour rendre hommage à ses ancêtres tués sur place lorsqu’ils voulaient s’enfuir, ou jetés aux requins lorsqu’ils étaient malades sur le bateau. L’installation met en scène des sculptures anthropomorphes faites d’ossements, de bois et de métal. Les os maintenus par des fers à cheval et à béton se dressent comme des fantômes.

Échographie, fer à cheval, soudures, os, poupées, 1998-1999, 190 cm

Créée en 1999, « Échographies » est une série de trois de sculptures sur la femme enceinte. Un jour, un de ses amis lui avait montré les échographies de sa femme enceinte. Il s’est aussitôt émerveillé de la nature et s’est posé beaucoup de questions sur des mystères de la naissance : ovulation, fécondation, implantation de l’œuf, le cordon ombilical, les battements du cœur, le développement du cerveau, le fœtus, etc. Cela l’a inspiré et il a commencé cette série de femmes enceintes et un ventre dans lequel sont entassés des petites têtes de poupées-fœtus.

Dans une étude consacrée à Ndary Lô, Éliane Burnet écrit : « Cette échographie particulière permet au spectateur de plonger au cœur de cette vie secrète puisque ce qui tient lieu d’embryon apparaît, sans plus être caché par les enveloppes qui l’isolent et le protègent » (« Ndary Lo, dialogue de résonances », in Revue Medium, n°14, 2008. pp.164 175). Elle ajoute : « Ce qui fait aussi la force de cette œuvre c’est qu’elle peut résonner en chaque femme car ces ventres alourdis par la maternité renvoient à ce qui se trame dans le corps et dans l’esprit des femmes enceintes. On peut suivre ici les études de psychanalystes concernant les inquiétudes, les peurs de la transformation et de ce qui se fomente dans la maternité, ou dans ce qu’un gynécologue-obstétricien a appelé la « grossitude » : à la fois fascination et sidération devant la métamorphose et l’accroissement corporel. La femme héberge un autre qu’elle ne connaît pas et qui peut être vu comme un intrus » (Idem).

La dépouille mortelle de l’artiste est attendue ce mercredi 14 juin et la levée du corps aura lieu le jeudi matin 15 juin à 09h à l’hôpital principal de Dakar.

En mon nom et à ceux de tous les collègues de la section sénégalaise de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA), je présente mes condoléances les plus attristées sa femme et à ses quatre filles et toute la communauté artistique.

Repose en paix Artiste !

Babacar Mbaye DIOP Président de la section sénégalaise de l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA)

 

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CÔTE D’IVOIRE – Toutes les nuits du monde : un spectacle qui vaporise les formes traditionnelles de la mise en scène

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« Toutes les nuits du monde » a été annoncé sur les réseaux sociaux, tambour battant. Pour tout dire, cela a piqué ma curiosité.  Ce samedi 1 octobre, le spectacle a eu lieu, à dix-neuf heures, à l’Institut français d’Abidjan. Il a produit sur le public venu en grand nombre une impression excellente. Nous avons aimé et applaudi ce tableau vivant, ce spectacle du slameur-poète Placide Konan et du metteur en scène Alain Serge Agnessan.

Dussé-je déverser mon fiel sur ce spectacle, encourageons d’abord les organisateurs. Hormis d’humaines imperfections de détails, le spectacle a été bien monté et artistiquement présenté. Ce n’était pas qu’une pièce de théâtre, c’était mieux : de la musique, de la chorégraphie, du slam, un jeu d’acteurs qui éclate, comme des pétards, à belle hauteur et encore mieux ça racontait une histoire bouleversante. Et quelle histoire !

Lever de rideau. Un jeune homme sanglé comme un clodo apparaît. Débraillé, en désordre et revernir à l’alcool, il avance dans la nuit et commence à s’épancher : il entame un long discours ponctué d’accents puissants. On s’attarde sur son désordre vestimentaire qui fatigue par sa complexité. Il pleut une lumière sur lui. Le reste du décor, vexé, est caché dans la nuit. Il porte sur son front les séquelles d’un amour qui ne viendra plus. Il se nomme Ferdinand. Akissi, son amante, tourne et danse autour de lui, dans le vide. Il ne la voit pas. Il l’appelle, elle l’entend ; mais, il ne peut la voir. Comment combler ce vide soudain entre une morte et un vivant ? Comment joindre, aboucher à la perfection l’au-delà et l’ici ? Comment dissoudre deux noyés de densités différentes ? D’un côté comme de l’autre de la rive, deux êtres s’interpellent, sans jamais s’entendre, vraiment, ni se toucher réellement. L’humain n’est que solitude. Séparé, détaché, disjoint, il ne parvient pas au monde. Le monde, lui non plus, ne lui parvient. Alors que le temps a arrêté de courir sur l’un, il emporte l’autre. Il les entraîne sans jamais les unir, sans rompre l’isolement. Chacun tend la main à un rêve qu’il ne peut atteindre. Trouble du moi, attaque de panique devant son impuissance ; un clinicien pourrait y trouver un nouveau filon pathologique. 

Crédit photo : TROIS B

Placide, la mastodonte n°1 du slam. Un de ces monstres qu’Alain Tailly créa à quelques exemplaires, y joue le rôle de Ferdinand. Il écrit un poème à Akissi, rôle brillamment campé par la danseuse et chanteuse, Marcelle Kabran, sa bien-aimée dont il veut faire revenir à la vie. Ah! Cette Akissi ! Est-elle née un dimanche ou un lundi ? Quelle boule d’énergie ! Son utilisation de l’espace, les expressions de son corps valent des vers. On comprend le tourbillon de feu qui mange son âme. Est-ce dans le but d’éteindre ce feu dévorant qu’il boit autant ? Il projette de coucher sur le papier un poème qui va arracher sa bien-aimée des entrailles de l’au-delà. Vaine quête d’un homme splendidement isolé, comme tous poètes et qui commence le lent et inéluctable naufrage des damnés. Dans un décor sombre où s’entasse un rêve qui lui glisse entre les doigts. La démesure, – et c’est ce qui fait la beauté de ce spectacle -, est telle que Akissi parlant à Ferdinand dans un tête-à-tête n’a même plus conscience en vient souvent à ne pas savoir qu’elle est une âme éthérée, qu’elle est morte. Sa voix résonne comme un prêche dans une maison close. Ferdinand, je crois, se ment à lui-même. Il ne veut pas vraiment faire revenir Akissi. Il veut se sauver par l’écriture. La scénographie m’en bouche un coin. J’apprends qu’elle a généré par le même qui a fait la mise en scène du spectacle. 

Crédit photo : TROIS B
Crédit photo : TROIS B
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SÉNÉGAL – Le Carnaval de Dakar en passe de devenir une véritable institution par Fatou Kassé-Sarr

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Article réalisé avec la collaboration de Siaka Bamba Doh Ouattara

Les 25, 26, 27 novembre 2022, dernier weekend du mois de novembre, sur trois jours, va se dérouler au Sénégal le Carnaval de Dakar. Cette troisième édition, placée sous le signe du sport et de la culture, aura pour parrain Baaba Maal, la star sénégalaise. Pays à l’honneur : la République Fédérale du Nigéria. 14 disciplines représentées ! Plus de 7 000 visiteurs attendus ! Il y aura du Thiébou Dieun, à volonté. 

Né en 2019, le Carnaval de Dakar en est à sa troisième édition. Il se tient, chaque année, dans la dernière semaine du mois de novembre. Joyeux lieu de brassage des peuples et des cultures, cet événement festif est une vitrine pour faire la promotion de la diversité et de l’esprit de la Téranga. Avec sa jeune tradition et ses moments forts : les gastronomies locales, la street food, les produits locaux, parade en costume traditionnel, démonstration de danse, sketch, … Durant ces trois jours, un village accueille les festivaliers, les visiteurs et les animations. Ce sera l’occasion d’une visite guidée sur les allées du Centenaire, au Monument de la Résistance et au musée des Civilisations noires. Chaque jour est dédié à une activité. Le vendredi 25 novembre, 1er jour, la cérémonie débutera les allocutions des autorités qui viendront nombreux. Le lendemain, la parade des enfants et le dimanche, dernier jour, jour de clôture, un grand repas, en wolof, « Grand Agn » (Garnd déjeune) ou encore sabar de clôture sera pris par les festivaliers. Si les deux premières éditions se sont bien déroulées, c’est en grande partie dû à et à l’initiatrice et à l’organisatrice Fatou Kassé-Sarr. 

Qui est Fatou Kassé-Sarr ?

Fatou Kassé-Sarr est directrice générale de LabellCom. Une structure créée en 2018 qui « crée des plans de social marketing engageants pour aider les marques à communiquer avec leurs audiences. » Elle est l’organisatrice en chef du Carnaval de Dakar. Au four et au moulin, mais derrière elle, il faut compter sur un staff professionnel.  Cette jeune quinquagénaire, qui ne fait pas son âge, fut député suppléante au Parlement français. Mariée et mère de deux enfants, cette spécialiste en communication politique et publique, vise, à travers ce Carnaval, à « promouvoir et à valoriser la diversité culturelle du Sénégal ». Et avec les deux dernières éditions, des réussites, il faut le dire, on peut dire qu’elle y est parvenue. Elle n’a pas manqué de féliciter : « la Présidence du Sénégal, en partenariat avec le Ministère sénégalais du Tourisme et des Transports aériens. »

Fatou Cassé-Sarr, Organisatrice du « Carnaval de Dakar »

La culture des Haal Pulaar à l’honneur

Après les Congnaguis (2019) et les Lébous (2021), c’est au tour des Haal Pulaar, avec un représentant de taille : Baaba Maal qui est lui-même haalpulaar. Ce Carnaval, affirme Fatou Kassé-Sarr : « valorise les terroirs et trouve des synergies avec tous les acteurs » tout en permettant de « développer une économie locale ». Ce Carnaval est un levier de la valorisation et de la promotion de la diversité culturelle du Sénégal. À travers des spectacles, on saura les jeux d’alliance entre les Haalpulaar et les peuples, comme les sérères, les diolas,… La présence d’artistes de renom à Dakar joue aussi un rôle important dans cette phase de « découverte ».

Le Nigéria à l’honneur

Après le Canada, le pays à l’honneur du Carnaval de Dakar sera la République Fédérale du Nigéria pour cette troisième édition. Pourquoi le Nigeria ? Au micro de Zenewsafrica l’organisatrice, Fatou Kassé-Sarr affirme que : « Le Nigéria est un modèle de diversité culturelle – le pays compte plus de 500 ethnies – et une grande industrie africaine. Et comme la majeure partie des carnavals à travers le monde, le Carnaval de Dakar est un moyen de faire découvrir au monde entier les richesses et la diversité culturelle au Sénégal. La culture est un outil qui crée de l’emploi » 

Fatou Cassé-Sarr, Organisatrice du « Carnaval de Dakar »
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SÉNÉGAL – Les sculptures massives d’Ousmane Sow entrent au fort Vauban de Mont-Dauphin

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Les œuvres monumentales rejouant la bataille de Little Big Horn, exposées sur le pont des Arts, à Paris, en 1999, avaient rendu célèbre l’artiste sénégalais. L’installation vient de rejoindre la forteresse dans les Hautes-Alpes pour au moins dix ans.

Corps à corps de guerriers musculeux, carambolage de chevaux. On croit entendre les bruits et la fureur du combat. Sous l’impressionnante charpente en bois curviligne de l’ancienne caserne Rochambeau, au fort de Mont-Dauphin (Hautes-Alpes), se rejoue la bataille de Little Big Horn, opposant, en 1876, une coalition de Cheyennes, de Sioux et des Arapaho aux soldats du régiment du général Custer.

En trente-cinq sculptures monumentales, visibles à partir du 6 juillet, le sculpteur sénégalais Ousmane Sow (1935-2016) célèbre l’éclatante victoire des fragiles contre les puissants. Déposée dans ce village fortifié pour une durée de dix ans renouvelable par sa veuve, la réalisatrice Béatrice Soulé, cette installation épique est bien connue des Parisiens qui la découvrirent ébahis, un jour de mars 1999, sur le pont des Arts.

L’exposition est restée dans les annales par sa fréquentation record – au moins 3 millions de visiteurs en trois mois. « Un succès inattendu », se souvient le critique d’art Emmanuel Daydé, alors adjoint du maire aux affaires culturelles. Pour l’ancien kinésithérapeute né en 1935 à Dakar, devenu artiste sur le tard, c’est la consécration. Mais aussi, étonnamment, un chant du cygne.

Au moment où Ousmane Sow accède à une notoriété internationale, le monde de l’art lui tourne le dos. Bien qu’il soit le premier artiste africain reconnu en France, aucun de ses successeurs, auxquels il avait pourtant pavé la voie, ne s’en réclame.

La fille du maire appuie sa cause
Tout avait pourtant bien commencé. En 1993, le sculpteur sénégalais, qui, deux ans plus tôt, avait fait la couverture de Revue noire – ­trimestriel qui révéla nombre de talents ­africains – est invité à la grande exposition quinquennale de la Documenta de Cassel, en Allemagne. En 1995, le voilà à la Biennale de Venise, qui est à l’art contemporain ce que le Festival de Cannes est au cinéma. L’autodidacte rêve, lui, d’un événement à Paris.

Le hasard lui fait croiser Hélène Tiberi, fille du maire de l’époque, Jean Tiberi. Qui soutient sa cause à la Mairie. L’emplacement est facile : ce sera le Pont des Arts, entre le Louvre et l’Académie des Beaux-Arts. Il faudra des trésors de diplomatie pour convaincre ces deux institutions, qui n’ont pas vu d’un bon œil la proximité des silhouettes massives imaginées par un artiste africain.Les archives « Monde » : Ousmane Sow interroge Bordelais et politiques 

L’école nationale des beaux-arts voisine, où le figuratif est alors tabou, se pince également le nez. L’argent manque. Le groupe Havas avait d’abord promis de contribuer à l’addition de 5 millions de francs (l’équivalent d’1 million d’euros aujourd’hui), mais son nouveau PDG, Jean-Marie Messier, se dérobe. Béatrice Soulé remue ciel et terre, déniche des sponsors et s’est personnellement endettée à hauteur de 1 million de francs. La suite ici

Source : Le Monde


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