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AFRIQUE DE L’OUEST

SÉNÉGAL – « Une démocratie à la dérive » par Felwine Sarr

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L’élimination d’opposants politiques de la course aux élections présidentielles est une constante de la scène politique ouest-africaine. Les moyens sont hélas bien connus : accusation de détournement de deniers publics ou de fraude fiscale, remise en cause de la nationalité du candidat, exils, bannissements, emprisonnements, mandats d’arrêt internationaux, instrumentalisation de la justice et du parlement. La panoplie est vaste et l’imagination de nos gouvernants en ce domaine est fertile. Par Seneplus

Sous nos latitudes, lorsque l’on accède au pouvoir, on le garde. On révise la constitution pour rester plus de mandats que prévu ; à défaut, on ne la respecte pas, on en tort l’interprétation à l’aide de juristes vénaux ou de conseils constitutionnels aux ordres. On inféode les contre-pouvoirs. De la démocratie, on ne retient que les formes institutionnelles et l’on s’empresse d’en évacuer le sens et la substance. On achète quand on peut certains organes de presse pour museler l’expression libre, on entrave le droit à la manifestation des citoyens pourtant garanti par la constitution, on restreint l’espace publique et les libertés individuelles, on intimide les voix dissonantes. Au lendemain d’élections formelles, scrutées par des observateurs nationaux et surtout internationaux (lorsqu’on les a admis), on quête le satisfecit de la communauté internationale sur la validité et la transparence du processus. Une fois ce blanc-seing en poche, l’on s’en retourne affamer la population, entretenir ses clientèles politiques, jouir du pouvoir et de ses démesures, trahir le contrat social du bien-être partagé, d’égalité des chances et de justice sociale au nom duquel on a été élu. À quelques exceptions près, l’on ne se prête au jeu de la compétition électorale qu’une fois que l’on s’est assuré que l’on a assez maitrisé la machinerie électorale et/ou que les adversaires les plus sérieux ont été éliminés du jeu. L’adage est connu, sous nos cieux, quand on a le pouvoir, on n’organise pas les élections pour les perdre, a moins de s’être assuré d’une succession qui vous absout de la redevabilité nécessaire de l’action publique, une fois redevenu un citoyen normal.

Nous avons vécu ces dernières années une série de dépossessions démocratiques et c’est ce cycle que nous devons arrêter. Il s’agit de ne pas nous laisser déposséder de la capacité de configurer notre destin collectif.

Nous avons tous été témoins de l’évènement. Une affaire privée opposant un leader politique de l’opposition et une citoyenne sénégalaise dont le théâtre fut l’intimité d’un salon de massage est devenue une affaire d’État. Ousmane Sonko, leader de Pastef est accusé de viol par la citoyenne Adji Sarr. Cette affaire aurait pu (due) être tranchée devant les tribunaux compétents, dans le temps normal de la justice sénégalaise, en respectant les droits des deux parties, dans une sérénité qui nous aurait éloignés de tout soupçon de machination ou de non-impartialité. Au lieu de cela, le domicile du leader du Pastef fut assiégé dès les premiers jours de l’affaire par les forces de l’ordre. Ce qui d’emblée a conféré à cette affaire un caractère politique. L’on s’est empressé de mettre en branle contre lui l’appareil judiciaire avec une célérité que l’on ne connaissait pas à notre justice, tordant au passage quelques règles de droit. L’accusé, Ousmane Sonko, a vu en une dizaine de jours son immunité parlementaire levée. En dépit du fait que les procès-verbaux des auditions des gendarmes, qui ont fuité, induisent chez toute personne censée et impartiale un sérieux doute sur la qualification des faits, le procureur de la République, maître des poursuites, décida de mettre en branle la massue judiciaire, car c’est bien de cela qu’il est question, quand il s’agit d’opposants au régime en place dont on prend au sérieux les prétentions au trône. L’affaire Khalifa Sall est là pour nous édifier. L’extrême impartialité dont il a été l’objet nous a tous laissé un goût amer, mais surtout a allumé dans nos cerveaux une alerte, qui s’est mise à tinter lorsque l’on a vu s’esquisser le même scénario. Un étrange et persistant sentiment de déjà-vu nous a habités. Rappelons juste que l’accusé Ousmane Sonko a obtenu pour une première participation aux élections présidentielles de 2019, plus de 15 % des suffrages des Sénégalais, ce qui fait de lui en l’absence d’une gauche sénégalaise et d’une réelle alternative politique, un candidat sérieux aux prochaines joutes électorales. Il s’agit d’analyser ce que l’évènement nous révèle et la vérité dont il est porteur quant à la nature de notre vie politique nationale. La tournure que prend cette affaire est l’expression d’une crise profonde de notre démocratie, qui par ailleurs, se vante d’être exemplaire en se comparant toujours à moins aboutie qu’elle sur le continent.

Depuis Wade, l’affaiblissement et la corrosion des acquis de la démocratie sénégalaise est une douce pente que nous avons empruntée. N’eût été le sursaut du 23 juin 2011 et du 25 mars 2012 ; notamment le barrage des Sénégalais et des Sénégalaises à sa tentative d’installer un ticket présidentiel ne requérant que 25 % des suffrages pour être élu, et celle de briguer un troisième mandat anticonstitutionnel, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Une dévolution monarchique du pouvoir nous guettait. Le M23, Y en A Marre, Devoir de résistance, l’opposition, la société civile, les syndicats, les citoyens et les citoyennes sénégalaises, nous en ont préservé.

Les idéaux pour lesquels nous nous sommes battus en 2012 : le raffermissement de notre démocratie par des réformes institutionnelles adéquates, l’équilibre des pouvoirs, la justice sociale, la redevabilité, l’égalité des citoyens devant la loi, l’élimination de la corruption ont été continuellement érodés depuis. Nous avons vu des personnages emblématiques du régime de Wade contre lequel nous nous sommes élevés en 2012, transhumer vers la majorité présidentielle, certains reniant urbi et orbi leurs engagements précédents ; des individus soupçonnés de détournement de deniers publics, certains épinglés par les rapports des corps de contrôles de l’État, retrouver grâce aux côtés du Prince. La déliquescence morale de la vie politique a amené la plupart des citoyens de ce pays à considérer la politique comme le lieu par excellence de l’expression des cynismes et de l’affrontement des opportunités, alors qu’elle doit être cet espace où la communauté configure son destin et œuvre à réaliser ses aspirations les plus élevées. Ceci est aussi dû en partie au fait que nous avons déserté ce lieu, jugeant son air peu respirable. À quoi avons-nous assisté ces dernières semaines ? Des activistes exerçant leur droit de protestation arrêtés et jetés en prison, une chasse des partisans de Pastef, des citoyennes manifestant leur soutien à leur leader, embarquées par la police, des journalistes entravés dans l’exercice de leur profession. D’ailleurs, ces dernières années la couleur fut annoncée ; plusieurs opposants ont fait l’expérience de la prison, l’embastillement récurrent d’activistes exerçant leur liberté de critique (Guy Marius Sagna en est devenu l’emblème. Il est actuellement détenu en isolement au Cap Manuel dans des conditions indignes) ; une Sénégalaise, Oulèye Mané, ayant fait circuler dans son WhatsApp une caricature du chef de l’État, Saer Kébé, un jeune lycéen de 16 ans ayant tenu des propos contre Charlie sur les réseaux sociaux se sont retrouvés eux aussi en prison. Le Sénégal est pourtant le pays d’une liberté d’expression gagnée de haute lutte. Nous sentions bien que liy raam ci nag ba la jëm.

De la multitude des faits que l’on pourrait égrener à l’infini, il s’agit cependant de passer au paradigme. Nous avons vécu ces dernières années une série de dépossessions démocratiques et c’est ce cycle que nous devons arrêter. La démocratie, plus qu’une forme d’État est une figure réelle de la vie politique. Elle nous engage à défendre ce qui fait tenir ensemble la société. Et l’un de ces piliers est la Justice. Dans notre contexte, la question est autant l’exercice du pouvoir, les normes auxquelles ce pouvoir est soumis, que les finalités qu’il se donne. Un pouvoir séparé de l’idée de justice, que rien n’équilibre plus, qu’aucune digue ne retient, ivre du monopole de l’exercice de la force publique, est exposé à toutes les dérives. Et Dieu sait que les tâches auxquelles il doit s’atteler pour les bien-être des populations sénégalaises vulnérabilisées sont nombreuses. Faut-il rappeler à ceux qui l’exercent que c’est nous qui le leur avons confié pour un temps, afin qu’ils s’attèlent aux conditions de notre plus grand bien ? Le leader de Pastef alors qu’il se rendait à la convocation de la justice été arrêté pour troubles à l’ordre public et placé en garde à vue dans les locaux de la section de recherche de la gendarmerie à Colobane.

Le sursaut auquel nous devrons notre salut est aujourd’hui dans le camp de la Justice. C’est à elle de restaurer l’État de droit et de juger les faits par une instruction impartiale. Il lui faut trancher le contentieux Ousmane Sonko et Adji Sarr par un jugement équitable, en dehors de tout agenda politique. Notre salut est aussi dans la vigilance et l’engagement des citoyens et citoyennes, à défendre l’idée que nous nous faisons de ce que la communauté doit devenir. Il s’agit pour nous de ne pas nous laisser déposséder de la capacité de configurer notre destin collectif. Au-delà de la bataille présente pour une démocratie réelle et une justice impartiale, il nous faudra sérieusement nous atteler à construire une véritable alternative sociale et politique et refonder ainsi la nation sénégalaise.

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AFRIQUE DU SUD –  Le principal parti de l’opposition a lancé sa campagne 

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Ce samedi 17 Février à Pretoria en Afrique du Sud, le principal parti de l’opposition, l’Alliance Démocratique (DA), a lancé sa campagne électorale. Sept points sont annoncés par le chef du parti, John Steenhuisen, pour sauver le pays.

Ce samedi 17 Février, les partisans de John Steenhuisen étaient nombreux sur la pelouse des Unions buildings située près du siège du gouvernement. L’opposant John Steenhuisen en a profité pour présenter son programme en sept points pour « sauver l’Afrique du Sud ».

Devant une foule immense, John Steenhuisen a parlé des maux qui étouffent l’économie sud-africaine et qui ont provoqué une crise sociale. Il a également déclaré que son parti Alliance démocratique s’engage à réduire les taux de criminalité. Son ambition est de créer deux millions d’emplois, de mettre fin aux coupures intempestives de l’électricité qui paralysent le pays et de mettre en place un climat de cohésion sociale. Le plan détaillé de l’alliance Démocratiquei vise à apporter des solutions concrètes aux grands défis auxquels est confrontée l’Afrique du Sud.

John Steenhuisen a aussi mis l’accent sur la lutte contre la corruption. Il a appelé aux populations de voter pour le parti Alliance démocratique pour éradiquer la corruption qui a ruiné le parti au pouvoir depuis 30 ans.

Un message fort dans un lieu mythique qu’est les Unions buildings, siège du gouvernement de l’ANC (Congrès National Africain), parti au pouvoir depuis trois décennies.

C’est dans une ambiance festive avec le groupe “Les Confretis » que s’est terminée le meeting. Les leaders et alliés du parti démocratique ont rejoint John Steenhuisen sur la scène pour une photo de famille.

La date officielle des élections n’est pas encore annoncée mais l’alliance Démocratique est déterminée à faire entendre sa voix en ces périodes pré-électorales.

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A LA UNE

SÉNÉGAL – Manifestations pour exiger une nouvelle date pour la présidentielle

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Au Sénégal, des centaines de personnes sont sorties ce samedi 15 février pour manifester dans les Deux voies de Liberté VI à Dakar la capitale. Ils réclament le respect du calendrier républicain et une nouvelle date pour la présidentielle qui devait se tenir le 25 février prochain. Suite au report de la date de l’élection par le Président Macky Sall, la plateforme Aar Sunu Élection (protégeons notre Élection) a appelé à une marche dite silencieuse.

De nombreux Sénégalais se sont déplacés pour répondre à l’appel du collectif Aar Sunu Élection qui regroupe des entités de la société civile et des Partis de l’opposition. Encadrés par la gendarmerie et la police, les manifestants l’ont débuté au rond-point de la SIPRES pour  terminer aux Deux voies de Liberté VI près du quartier populaire de Grand Yoff. La marche autorisée par les autorités sénégalaises, s’est déroulée dans le calme. Les manifestants sont venus de partout pour réclamer leur droit. Certains ont brandit des pancartes où est inscrit « Respecter le calendrier électoral » ; « Nous voulons des élections » entre autres réclamations. D’autres sont habillés en t-shirt floqué Aar Sunu Élection arborant des foulards aux couleurs nationales. Ils ont demandé la libération de leur leader Ousmane Sonko mais aussi de détenus politiques.

Les candidats dont le dossier de parrainage a été validé par  le conseil constitutionnel  notamment  Malick Gakou de Grand Parti, Aliou Mamadou Dia du PUR, Déthé Fall de PRP ou encore les membres de la coalition Diomaye Président  ont participé à la manifestation.

Dans une déclaration conjointe remise aux journalistes à l’issue de la manifestation, les organisateurs de Aar Sunu élection qui regroupe des organisations qui se réclament de la société civile, ont appelé au maintien de la mobilisation citoyenne pour le respect du calendrier électoral, tel défini dans la Constitution du Sénégal.  

Les organisateurs ont aussi magnifié la décision du conseil constitutionnel qui annule le report de l’élection présidentielle qu’il juge contraire à la Constitution et  qui recommande sa tenue dans les “meilleurs délais ’’. Elle a annulé en même temps le décret qui a permis à Macky Sall le 3 février dernier à travers son discours à la Nation, de pousser les élections au 15 décembre prochain. Ainsi, selon un communiqué de la présidence par son porte parole Yora Dia, le président de la République Macky Sall dit se conformer avec le conseil constitutionnel et s’engage à exécuter la décision de cette haute juridiction.

Pour rappel,  le vote pour le report de la présidentielle s’était déroulé sous la contrainte. Des députés de l’opposition avaient manifesté leur désaccord avant d’être expulsés de l’hémicycle par les forces de l’ordre et la Gendarmerie nationale. Suite à l’adoption de cette loi jugée anticonstitutionnelle par l’opposition et la société civile, des manifestations avaient éclaté sur tout le territoire. Des manifestations qui ont coûté la vie à trois individus. 

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POLITIQUE

SÉNÉGAL – Harcèlement, altération de nourritures, interdiction de communications : la Coalition Diomaye Président alerte sur les conditions de détention de son candidat

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Bassirou Diomay Faye

La Coalition Diomaye Président alerte sur les conditions de détention du candidat Bassirou Diomaye Faye. Les membres de ladite coalition informent que ses jours de visite ont été modifiés et il ne peut recevoir de visites que les mardis et mercredis dans l’enceinte de la Cour. Il lui est également interdit de communications téléphoniques. Sur ce, la coalition Diomaye Président dénonce cet acharnement contre son candidat et tient pour responsable le régime de toute atteinte à l’intégrité physique ou morale de leur candidat.

« À la suite du lancement officiel de la Coalition Diomaye Président et des adhésions massives de leaders de l’opposition, il était attendu du pouvoir en place qu’il rétablisse le candidat Bassirou Diomaye Faye dans ses droits, notamment dans le contexte d’une élection présidentielle dont il est incontestablement le favori », peut-on lire dans un communiqué.

Toutefois, la Coalition annonce que l’Administration pénitentiaire, placée sous la responsabilité du Ministre de la Justice, a décidé de durcir unilatéralement et sans raison justifiée les conditions de détention du candidat Bassirou Diomaye FAYE par:

« Une modification unilatérale de ses jours de visite désormais, le candidat Bassirou Diomaye Faye ne peut recevoir de visites que les mardis et mercredis, et ce dans l’enceinte même de la Cour. Une interdiction de communications téléphoniques sous prétexte que le candidat favori à l’élection présidentielle dont la campagne commence dans deux jours entretient des conversations dont l’objet est politique. Un harcèlement continu la chambre du candidat Bassirou Diomaye Faye est désormais perquisitionnée à tout bout de champ ».

D’ailleurs, elle note une « absence de mesures sécuritaires malgré son statut de candidat à l’élection présidentielle du 25 février 2024 et des alertes multiples sur de probables altérations de la nourriture qui lui est servie. Le candidat Bassirou Diomaye Faye ne prend plus le petit déjeuner ».
La coalition Diomaye Président dénonce cet acharnement contre son candidat. « Nous dénonçons fermement cette énième violation du principe d’égalité entre les candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Nous réclamons la libération immédiate de Bassirou Diomaye Faye pour qu’il participe activement à la campagne électorale ».

En tout état de cause, souligne-t-elle, « l’Etat du Sénégal a la responsabilité d’assurer sa protection s’il décide injustement de le maintenir dans les liens de la détention ».

En somme, la Coalition Diomaye Président indique que « Macky Sall, Aissata Tall Sall et Amadou Ba seront tenus pour responsables de toute atteinte à l’intégrité physique ou morale du candidat Bassirou Diomaye Faye ».

Source : Pressafrik

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