CULTURE
SÉNÉGAL : Kadijatou Soumaré : Une étoile qui fait trembler les ciseaux.

Kadijatou Soumaré est déjà à sa quatrième collection. Autodidacte dans le stylisme, cette jeune étoile de 28 ans cosmopolite, s’inspire de sa double culture africaine et française pour ses créations. Née en France de parents originaires du Mali, cette enfant qui a grandi entre Neuilly sur Marne et Saint Denis, a fait ses débuts dans le mannequinat avant de baignée au cœur de la mode Africaine grâce à son père commerçant de tissus africains à Paris. Elle a su se créer son propre univers artistique qu’elle définit comme métissé, contemporain et intemporel. Ses créations, elle les compose à partir de coupes modernes, de textures ethniques et de formes atypiques. En adaptant une approche conceptuelle, elle a réussi à créer des collections à la fois originales, sophistiquées et abordables. La rédaction Ze-africanews.
Une passion d’enfance
Petite, Kadijatou Soumaré adorait bricoler et créer ses propres vêtements car elle n’était jamais satisfaite de ce qu’elle trouvait dans les boutiques de prêt-à-porter ou ce que lui confectionnait le tailleur de la famille. « Je voulais avoir mon propre look, un style sans compromis, quelque chose qui me ressemble, qui soit moderne, coloré, original, et glamour. », lance-t-elle. Se différencier des autres en composant par ses propres moyens des vêtements, était le souci primaire de cette jeune française d’origine malienne. Pour orienter son couturier et ne pouvoir s’habiller à sa façon, elle passait toute une journée à lui griffonnait des dessins, à lui décrire et lui expliquer oralement ce qu’elle voulait avant de procéder elle-même aux finitions. Et puis un jour, lassée de ce cérémonial, elle décida de réaliser ses habits par ses soins. A force de vouloir créer son propre style vestimentaire, elle s’est mise à réellement s’intéresser à ce métier. Une recherche d’originalité innée accentuée par l’univers artistique dans lequel elle baigne déjà, confirme son intérêt dans ce domaine. Elle est mannequin, fait de la danse et des « shootings-photos » pour des magazines. Elle participe régulièrement à des tournages de clips et de courts métrages. Ce passe temps lui a permis d’accroître son esprit créatif et d’affirmer sa personnalité. « J’adorais apposer mon style et mes idées lors de mes prestations, çà a été une révélation, je savais que j’évoluerais dans le métier de styliste. » Ses parents commerçants de tissus africains en région parisienne l’ont aussi beaucoup encouragée à aller de l’avant « J’ai été baigné dans le domaine du tissus très tôt. Mes parents avaient des magasins. La plupart du temps mon père m’apportait des tissus en revenant de son travail, afin que je puisse m’exercer. » Des créations qu’elle exposait ensuite dans les boutiques de son père à Paris et en Région parisienne. Une demande croissante inattendue suite à cette exposition, l’a poussée à penser à la création de sa marque.
Une marque est née
Après quelques années de recherche de soi et de recherche de style qui lui est propre, Kadijatou Soumaré se lance en 2009 en créant sa marque « Afrodisiak ». Une combinaison basée sur une connotation Glamour et de séduction qui combine le mot « Afro » et celui d’« aphrodisiaque » tiré du nom « Aphrodite » (la déesse de la séduction) qui avait le pouvoir de faire naître la passion amoureuse. Elle décide alors de s’ouvrir au monde avec une identité propre et propose des créations encore plus atypiques. « Je voulais proposer à travers ma marque, des créations innovantes, créatives, originales. Je voulais créer des looks « design » qui me ressemblaient.
Je voulais apporter une partie de mon âme et de ma personne. » Son objectif dépasser les coupes traditionnelles, et créer un style métissées, multiethniques, sans frontières grâce à sa double culture qui selon elle, est un véritable atout. Quatre collections se sont ainsi succédées : la première « AfroRevolution » introduit le concept de la marque dans son ensemble. Dans un univers festif avec des farandoles de boubous et de robes de soirée. Les modèles marinent parfaitement la simplicité, la classe et la modernité. La deuxième collection « AfroDilicious » marque l’originalité du concept dans un esprit de voyeurisme expressément voulu à travers des couleurs flashy et imposantes. La troisième collection renvoie au glamour-sexy-féminine. La quatrième et dernière collection « AfroCalypse reste tendance, atypique et en même temps extravagante. C’est la plus originale et la plus osée des collections avec l’introduction des nouvelles pièces comme la fourrure et autres matières. Faire naître la passion auprès de sa clientèle, tel est l’objectif de la jeune styliste. Elle aime jouer avec cette particularité afin de les fidéliser et séduire de nouveaux adeptes. Innover et entretenir la passion du client, faire naitre l’envie, provoquer un électrochoc en bousculant les règles du jeu dans la mode africaine. La marque « Afrodisiak » est ainsi née et en même temps la commercialisation officielle en ligne. Selon elle, la mondialisation des cultures est inévitable et la recherche du métissage dans son travail de styliste, est un signe d’ouverture. Elle invite ainsi les stylistes surtout africains à être porteurs de messages à travers leurs créations tout en montrant leurs savoir-faire, même si comme elle le souligne si bien : « La brèche n’est pas encore assez ouverte.»
Une clientèle féminine

Copyright Stephen Rezza
La clientèle de Kadijatou Soumaré est particulièrement constituée de femmes de tous âges entre 20 et 80 ans et de toutes origines confondues. Elle habille, les rondes ou les minces quelque soit la corpulence de la personne. Un choix éclectique très apprécié par les intéressées. Certaines de ses clientes, sont des femmes européennes mariées avec des hommes africains, qui veulent s’impliquer davantage à la culture de leurs époux. Ces dernières aiment s’identifier à son concept glamour qui dégage plus de modernités et surtout moins contraignant que le boubou traditionnel. Elle dédie ainsi ses collections à toutes les femmes sans distinction d’origine.
Sa démarche, adapter ses créations à toutes les morphologies en créant plusieurs collections. La plupart de ses clientes sont attirées par l’originalité, et le coté « fashion » de la marque. Grâce à ce nouveau concept, elles ont réussi à se différencier et à affirmer leur personnalité. Reste à noter que les stylistes à l’occurrence africains en France qui débutent de manière général, rencontrent souvent des difficultés. Il faut tous les jours travailler, convaincre les plus septiques, fidéliser la clientèle, séduire de nouveaux adeptes et innover. Il faut prouver au jour le jour et redoubler d’effort pour valoriser leur travail. Elle reconnaît aisément que lorsque l’on casse les codes et que l‘on veut créer une mode, il est difficile de la familiariser immédiatement au grand public et d’en vivre. « Je mets constamment en avant ma double culture dans mes créations, je casse la tendance des vêtements traditionnels et réalise des vêtements modernes, originaux et multiethniques. Pour moi, la clé de la réussite est de s’accrocher et de prendre son mal en patience.» a-t-elle déclaré. Toutefois la constitution du budget et un portefeuille de clients fidèles est un premier frein à la passion des stylistes, entretenir un rapport de confiance en est un autre. « C’est une combat de tous les jours de pouvoir vivre de son art. », souligne-t-elle. Elle se voit parfois contraint de travailler en cumulant parfois plusieurs boulots pour joindre les deux bouts, avant de revenir travailler tard le soir chez elle, entourée de ses tissus. Et le plus important et le plus difficile est de constituer un réseau, approcher les diffuseurs, organiser des défilés qui sont coûteux surtout pour les débutants qui ne se sont pas encore fait un nom dans le milieu.
L’Afrique au centre de son inspiration
Cette amoureuse des coupes et des belles formes entretient un rapport de proximité avec son pays d’origine. Elle y retourne régulièrement pour s’y ressourcer et apprécier les choses simples de la vie. « Mes racines, mes origines, sont dignement représentés à travers les tissus que j’utilise, et l’esprit dans lesquelles je les adapte. Utiliser des tissus africains, et les réadapter dans un autre esprit est une manière de montrer avec fierté de quoi on est capable de faire avec nos tissus. Car ils ne sont malheureusement pas suffisamment exploités, il est nécessaire pour moi de valorisé les tissus africains à travers mes réalisations, car en les valorisant, je valorise la culture africaine et moi-même. » Elle porte ainsi un regard différent sur la mode africaine, qu’elle a pour ambition d’innover en y apportant une certaine modernité pour le biais du métissage. Elle voit la mode en grand et sans frontière. Le monde évolue et pour ne pas s’enferme dans une catégorie et toucher le plus large public possible, elle s’inspire également des styles des autres continents comme l’Asie, l’Orient ou l’Amérique latine. Son but démocratiser son style et diversifier ses créations en puisant son inspiration dans d‘autres cultures dans la mesure du possible. Avec une grande facilité, elle arrive à mixer des styles totalement différents et à les réadapter dans un aspect plus moderne et tendance. Elle joue et s’amuse à ajouter des pièces de fourrure pour donner un effet glamour et innovant à ces robes. Elle utilise également le Wax qui est une matière qu’elle affectionne de par sa texture et ses colores accentuée par des dessins atypiques. Une matière facilement malléable et mélangeable avec d’autres supports textiles comme la soie, le satin ou l’organza. Elle utilise aussi le Bazin, un tissu ancestral d’Afrique dont les artisans ont l’art et la manière de rendre brillant et surtout facilement personnalisable grâce à la teinture locale.

Copyright Stephen Rezza
Une occasion d’échanger avec les gens du métier
La jeune styliste collabore régulièrement avec des professionnels du même métier ou annexes comme les créateurs de bijoux. « Pour avancer, je pense qu’il est favorable d’échanger, j’écoute les conseils des uns et j’en donne en retour. » Elle aimerait plus tard apporter ses idées aux grands couturiers parisiens et surtout leurs démontrer qu’elle peut leur apporter son savoir-faire et croiser leurs inspirations respectives afin de répondre à la mixité du peuple français d’aujourd’hui et de demain. « La population française est devenue un vrai melting-pot et tôt ou tard, ils finiront par considérer notre travail. », assène-t-elle. Elle peine aussi d’être en relation avec des stylistes en Afrique de manière directe et régulière malgré ses fréquents déplacements dans le continent. Elle se concentre, de ce fait, tout son énergie en Europe pour l’instant et particulièrement en France afin de combattre les idées reçues sur la société issue de l’immigration et espère faire connaître son concept mondialement dans les années à venir. Son objectif sur le terrain africain : collaborer avec des stylistes comme Collé Ardo, Gilles Touré ou Alphadi, les grands ténors de la couture africaines. Elle aimerait également développer son activité en Afrique. « Je trouve que la mode n’est pas suffisamment mise en avant. J’aimerais organiser des « Fashion week » au Mali, au Sénégal ou en Cote d’ivoire. Réunir tous les talents de l’Afrique et également tous les jeunes stylistes franco-africains, est mon plus grand souhait. », a-t-elle lancé.
Une étoile qui promet

Copyright Stephen Rezza
En fin 2010 Kadijatou Soumaré, la petite reine du ciseau a participé au concours de jeunes talents « Linondaade », dont l’objectif est de valoriser et faire la promotion des compétences des jeunes soninkés issus de l’immigration où elle a obtenu un « prix d’honneur ». Elle a aussi participé à la 48ème édition de « La Journée de l’Afrique » à Bruxelles organisé par l’Union africaine et le Groupe africain des Ambassadeur. Elle a habillé les candidats de la 9ème édition « Miss Mali France 2010 » et a été contacté pour faire de même avec « Miss Congo France » et « Miss Sénégal France ». Les danseuses de la « Ferme célébrité », une émission de téléréalité sur TFI, ont porté ses modèles, entre autres. Elle est sélectionnée pour participer aux Trophées African Diamonds en 2011, sous le haut parrainage du créateur Alphadi, où seront récompensés des jeunes stylistes africain à travers le monde. Kady comme l’appellent ses proches, n’a pas encore dit son dernier mot. Elle prépare sa prochaine et cinquième collection avec encore beaucoup d’idées en hibernation. La petite fille aux mains d’artiste a de beaux jours devant elle. En tout cas, c’est tout que nous lui souhaitons.
Ze-africanews.com
A LA UNE
TCHAD – Entretien avec Fatimé Raymonne Habré : la plume comme riposte !

Veuve de l’ancien président tchadien Hissein Habré, militante engagée pour la cause africaine et celle des femmes, Fatimé Raymonne Habré s’est imposée dans le paysage littéraire et intellectuel par sa plume combattante. Juriste de formation, éditrice, libraire et fondatrice du Carré Culturel, elle partage avec nous son parcours, ses convictions, et sa vision de la littérature africaine contemporaine. Nous l’avons rencontré au Salon du livre d’Abdjan.
Trevor : Qui est Fatimé Raymonne Habré ? Si vous deviez vous présenter en quelques mots à nos lecteurs, que diriez-vous ?
Fatimé Raymonne Habré : Très contente de faire votre connaissance et d’échanger avec vous. Je suis la veuve de l’ancien président tchadien Hissein Habré. Je suis une militante de la cause de l’Afrique et une militante de la cause des femmes.
Trevor : Qu’est-ce qui vous a conduite vers l’écriture ? Un moment déclencheur ?
Fatimé Raymonne Habré : Oui, il y a bien un élément déclencheur. Ce fut ce que l’on a appelé l’affaire Hissein Habré, qui a duré pendant plus de 20 ans avec un harcèlement judiciaire et médiatique que l’on n’a vu nulle part ailleurs. Nous avons beaucoup souffert de ce lynchage médiatique, et j’ai pris ma plume pour une action de riposte médiatique à travers des articles, des lettres ouvertes et aussi des émissions de télévision.
Trevor : Parlez-nous de vos livres. Quels thèmes vous tiennent particulièrement à cœur ?
Fatimé Raymonne Habré : Mon premier livre est intitulé Afrique Debout et ce sont des chroniques politiques qui traitent de nombreux thèmes : la lutte contre le terrorisme, Winnie Mandela, Kadhafi, le génocide des Tutsi, le conflit autour du territoire d’Aouzou, les relations entre les journalistes et les hommes politiques, etc. C’est ma vision et ma participation à l’éveil des consciences, particulièrement de notre jeunesse qui ignore beaucoup de choses.
Trevor : Selon vous, quel est le rôle de la littérature dans la société africaine contemporaine ?
Fatimé Raymonne Habré : La littérature joue un rôle essentiel. Elle permet de préserver notre histoire et de transmettre aux générations futures les traditions ancestrales, et donc de garder notre identité culturelle. Elle permet aux Africains de témoigner à travers des récits de leur vécu et de leurs expériences que d’autres ignoreront volontairement. La littérature met en lumière nos réalités sociales, politiques, économiques et culturelles. Elle développe l’esprit critique. Elle est aussi une plateforme pour exprimer des émotions, des expériences — ce fut mon cas. L’écriture a des vertus thérapeutiques, d’apaisement, aidant les personnes à exprimer des points de vue…

Fatimé Raymonne Habré
Trevor : Comment votre parcours personnel et professionnel nourrit-il votre écriture ?
Fatimé Raymonne Habré : Mon parcours personnel est une somme d’expériences : la guerre, les conflits politiques qui ont dégénéré, le pouvoir, l’exil, et les injustices que nous avons subies à travers les poursuites judiciaires contre le Président Habré. Quant au côté professionnel, je suis juriste de formation et j’ai coordonné le pôle défense et communication avec les avocats pendant des années. Actuellement, je suis éditrice, libraire et galeriste. Incontestablement, mes réflexions sont irriguées par mon vécu et les épreuves endurées, avec l’engagement de décrypter les dessous des cartes, si l’on peut dire, et de répondre aux pourfendeurs de l’Afrique, sans oublier le rôle des élites africaines dans la situation de notre continent.
Trevor : Vous avez fondé un espace culturel : le Carré Culturel. Quelle est sa vocation et comment le vivez-vous au quotidien ?
Fatimé Raymonne Habré : Le Carré Culturel est un espace composé d’une librairie indépendante, d’une maison d’édition qui a démontré que l’on pouvait proposer un contrat d’édition équitable, permettant aux auteurs de toucher 40 voire 50 % de droits d’auteur sur leur ouvrage. Nous avons à côté une galerie d’art où nous vendons des œuvres mais aussi montons des expositions. Nous produisons des émissions que je vous invite à découvrir sur notre chaîne YouTube Le Carré Culturel : une émission L’opinion des femmes, qui donne la parole aux femmes, et une autre, Les Carnets culturels.
Trevor : Quel regard portez-vous sur la place des femmes dans la création littéraire en Afrique aujourd’hui ?
Fatimé Raymonne Habré : Leur place est de plus en plus influente. Si elles ont été longtemps marginalisées et sous-représentées, les écrivaines africaines sont de plus en plus dynamiques. Elles explorent de nombreux sujets, des expériences personnelles, et parlent de la question du genre, des violences subies, de la tradition. Leurs écrits contribuent à donner une vision plus authentique des réalités féminines africaines. En tant qu’éditrice, je reçois de plus en plus de livres écrits par des autrices. C’est encourageant.
Trevor : En tant que juriste, est-ce que le droit et la justice influencent votre façon d’écrire ou de concevoir une œuvre ?
Fatimé Raymonne Habré : Je pense que ce qui est déterminant, c’est l’engagement de ma plume. C’est une plume combattante. Quand vous êtes juriste et que vous êtes passionnée comme moi par le droit, la rigueur de votre formation peut influencer vos écrits dans le sens où vous sentez la nécessité d’argumenter, de renforcer vos propos. La justice, c’est très compliqué dans la mesure où la théorie de la séparation des pouvoirs n’est pas une réalité. L’exécutif marque toujours son influence quand il le souhaite pour obtenir les décisions qu’il veut.
Trevor : Quels auteurs ou autrices africain(e)s admirez-vous ou suivez-vous avec attention ?
Fatimé Raymonne Habré : En dehors des grands classiques de la littérature africaine que nous avons tous lus, je lis un peu de tout. Cela peut aller des livres de Chimamanda Ngozi Adichie, Becoming de Michelle Obama, à des ouvrages sur la politique, les relations internationales, la communication politique, ou encore les livres de Théophile Obenga. J’ai profité du SILA pour acquérir des livres d’auteurs et d’autrices de la Côte d’Ivoire.
Trevor : Quels sont vos projets actuels ou à venir ? Avez-vous un nouveau livre en préparation ?
Fatimé Raymonne Habré : Au niveau du Carré Culturel, en termes d’édition, je veux lancer une collection pour enfants. Nous préparons une exposition sur les Peuls nomades. Personnellement, j’ai en cours de finition le tome 2 d’Afrique Debout, qui contient aussi des chroniques politiques, et la suite de mon roman Symbil et le décret royal.
A LA UNE
TCHAD – Kadeux, phénomène viral ou la dynamique de partage

Nous avons presque tous découvert Kadeux sur TikTok en 2023 avec “Ayé han”. On était tombé sous le charme de ce jeune rappeur tchadien. Pourtant, il n’a que vingt-et-un ans. Malgré cet âge – âge souvent associé à l’insouciance juvénile –, ses mots, empreints d’humilité, tapent toujours dans la mille. En effet, il y résonne un flow tranchant, surtout lorsqu’il se met à décrire la difficile condition de vie des laissés-pour-compte. Mais pas seulement : il met aussi dans sa musique une sincérité et une modestie qui vont droit au cœur. Depuis son carton sur TikTok, l’artiste ne cesse de prendre de l’épaisseur. Kadeux, phénomène viral ou la dynamique du partage
Kadeux, un phénomène viral
Dans l’univers musical tchadien, un nom se détache aujourd’hui comme une poussière luminescente, avec éclat : Kadeux. Ceux qui pensaient que sa notoriété, propulsée par internet et les réseaux sociaux, n’allait pas faire long feu, se sont trompés. L’engouement ne s’est pas estompé et, sa fanbase ne fait que s’élargir. Né en 2003, à Koundoul au Tchad, Kadeux, de son vrai nom Kamal Borgoto, a réussi à hisser le rap tchadien sur la scène musicale internationale. Grâce à un savant mélange de sonorités locales – utilisation des dialectes tchadiens – et de musique contemporaine, il a créé un style unique et authentique qui résonne bien au-delà des frontières de son pays natal. Bien que sa carrière ait véritablement débuté 2023, Kadeux, rappelons-le, a pris le temps d’apprendre des groupes comme “Sexion d’Assaut” et plusieurs artistes internationaux. Son premier single “Ayé han” fait un carton, avec plus de 100 000 vues sur YouTube et 27 millions de vues sur TikTok. Un record pour un artiste tchadien. Il enchaîne avec “Biney”, une chanson engagée contre l’argent facile et les dérives de la société. Cette chanson franchit rapidement la barre des 200 000 vues sur YouTube. Puis vient “SAME SAME”, un hymne à la résilience et à l’espoir, qui reflète l’état d’esprit combatif et optimiste de la jeunesse tchadienne.
Kadeux, un artiste ancré dans l’authenticité
Kadeux se distingue par son utilisation des dialectes tchadiens qu’il manie avec une grande aisance. Aussi, cela donne à ses textes une puissance émotionnelle et une authenticité rare qui font de lui un artiste original. Son style musical engagé, teinté de sarcasme, est une plongée en apnée dès les premières notes, dans le marécage des maux de la société. Ses analyses sociales d’une finesse inouïe captent immédiatement l’attention du public. Lors des grands événements musicaux, aussi bien au Tchad que dans la sous-région, Kadeux fait partie des artistes à inviter. En effet, il sait mettre le feu à la scène, échauffer le public. Au nombre de ses performances marquantes, ces deux dernières années, nous pouvons évoquer la “fête de la musique à N’Djamena” (juin 2023), le “festival Afrobeat International au Burkina Faso”, une prestation en Côte d’Ivoire, au “FEMUCO”, une série de concerts aux côtés du rappeur ivoirien Didi B à N’Djamena et une tournée au Cameroun (Yaoundé, Douala, Ngaoundéré, Dschang…)
Fierté tchadienne
Malgré son jeune âge et sa carrière encore naissante, Kadeux, qui accumule déjà des multiples récompenses tant au Tchad qu’à l’international, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. À ses ambitions musicales, il a greffé deux rêves : lancer sa propre marque de vêtements et créer un studio de production. En 2024, au micro de RFI, l’artiste confie : “Je veux que ma musique soit un pont entre les générations, une voix pour ceux qui n’en ont pas, et une source d’inspiration pour la jeunesse tchadienne”. Avec son charisme, son authenticité et son talent brut, il y a des chances que le souhait de Kadeux se réalise : porter la culture tchadienne sur la scène internationale et faire entendre la voix des laissés-pour-compte.

A LA UNE
MALI – Nana Menthe en concert au Pan Pipper, un show intense sur des notes mandingues

Le 15 février 2025, lors de la ‘‘Nuit du Mandé’’, Nana Menthe Kouyaté donnait un show d’une puissance hors norme au Pan Pipper à Paris. Lors de ce concert organisé par Afrik’Consult et Doums Production, c’était l’occasion pour cette diva de la musique mandingue de présenter au public son nouvel album ‘‘Karan’’ (2024).
Un show intense
C’est sous les regards d’armée de projecteurs lumino-fluorescent que Nana, en robe de soirée sirène dentelle rouge, fait son entrée sur la scène. Le bassiste est en hauteur par rapport aux musiciens qui tiennent les guitares et le tam-tams et le n’goni. Une danse sapée comme une chanteuse disco des années 80 attend que Nana donne le la. Le décor est sublime. Reste plus que le spectacle. Sol-ré-do ! Nana, celle qu’on surnomme ‘‘l’oiseau rare’’. Tour à tour, Nana visite son répertoire, depuis N’Toutadon jusqu’à Karan son dernier album. Elle avait à ses côtés des artistes de renom comme Adja Soumano, Pedro Kouyaté, Liberté Kanté, Amadou Sodia et bien d’autres artistes invités.
Nana, la voix du mandingue
Fille du virtuose de la kora Batrou Sékou Kouyaté, Nana Kouyaté, comme le suggère son nom, est une griotte. Née à Abidjan en 1988, elle grandit à Bamako. Bien que griotte, son père voyait d’un mauvais œil que sa fille fasse de la musique. Cependant, avec l’aide de sa mère, elle brave cet interdit et s’illustre, déjà à son jeune âge avec sa voix de contralto léger, un tantinet porté vers le mezzo-soprano dramatique comme Oumou Sangaré ou Coumba Gawlo ou même Fanta Damba, Nana rivalise, par la voix, avec les divas mandingue. En 2005, elle embarque pour Paris et s’y installe. Par la suite, elle va collaborer avec des légendes comme Salif Keita, Papa Wemba, Oumou Sangaré et Amadou et Mariam. Désormais, elle fait entendre sa voix par le biais de la musique. En 2024, elle a sorti un nouvel album intitulé ‘‘Karan’’.
Karan, ou les bénéfices de l’éducation
Karan, signifiant « éducation » en bambara, est un album de 11 titres qui résonne comme un manifeste pour la transmission des valeurs et la perpétuité des traditions. Nana Menthe y aborde des thèmes universels tels que l’amour, la paix, l’unité africaine et la lutte contre les violences faites aux femmes, dans une fusion subtile entre sonorités traditionnelles et influences contemporaines.
Karan, quelques morceaux choisis
Avec ces onze titres, évocateurs et engagés, Nana explore les réalités profondes de la société où chaque morceau est une fresque sonore. Tandis qu’ “Acapelle” lève le voile sur les tumultes du mariage, en dévoilant les attentes et les désillusions qui l’accompagnent. “Denmbalou”, en collaboration avec Alune Wade, Guimba Kouyaté et Paco Sery, raconte, pat contre, avec émotion les défis de la maternité et les angoisses d’une mère face à l’éducation de son enfant. Ensuite, l’hommage vibrant à Cheikh Ahmadou Bamba célèbre l’héritage spirituel d’un grand soufi. Et puis il y a le titre phare : “Karan”, titre phare de l’album, exalte les vertus de l’éducation comme pilier de l’émancipation personnelle et du développement national. “Rien n’est au-dessus de l’éducation”, dit l’artiste, soulignant son rôle central, même dans les parcours migratoires où elle devient un passeport pour l’intégration. En attendant, le public se prépare avec ferveur à la prochaine performance de Nana, prévue à Orléans le 25 mars 2025.
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